La presse française ne ménage pas ses encouragements à l’Equipe de France. Avec des accents parfois épiques, comme par exemple cette photo de Paul Pogba à « la Une » de L’Equipe, où, regard vaillant, galvanisant ses coéquipiers à gorge déployée, le milieu de terrain des Bleus a, ce matin, des airs de la figure de proue de La Marseillaise, de Rude, vous savez, ce groupe sculpté au fronton de l’Arc de triomphe à Paris, et qui représente le départ des volontaires en 1792, alors qu’en pleine révolution, la patrie était en danger.
Sus à l’équipe de Roumanie, semble donc clamer Paul Pogba à « la Une » de L’Equipe, qui fixe en deux mots la mission des Bleus : « Refaire l’histoire ».
Alors, on verra bien ce soir si l’histoire repassera les plats, mais il y a tout lieu de croire, estime le quotidien sportif français, que l’équipe de France, « pour peu qu’elle gagne avec panache, et même qu’elle gagne tout court, soit un excellent antidote aux tourments actuels » de la France.
Euro : la fête gâchée
Si, comme on l’a vu avec Pogba et La Marseillaise de Rude, la France de 1792 était en pleine révolution, celle de 2016 est en plein chambardement en raison des grèves contre le projet de réforme du code du travail. Cette grogne va-t-elle gâcher la fête ? C'est ce que redoutent bien des journaux français.
Témoin Les Echos. Pour le quotidien économique, c’est déjà fait. La fête est « gâchée par le chantage social », se navre ce journal. Car si la fin du conflit se profile dans les chemins de fer, les pilotes d’Air France « se mettent en grève », souligne-t-il en « Une ». Mais bon, énonce Les Echos, « espérons qu’il existe encore en France quelqu’un capable d’arrêter quelque chose, et que cet homme soit Hugo Lloris. Hugo, c’est un pays au bord de la crise de nerfs qui vous le demande. Arrêtez les ballons roumains » !
Alors, oui, « place à la fête », veut croire Le Parisien/Aujourd'hui en France, qui est l’un des rares parmi les quotidiens français à faire preuve d'optimisme avant le match d'ouverture France-Roumanie, ce soir, match qui se présente comme une « petite parenthèse enchantée », espère ce quotidien.
Espoir partagé par La Croix. Le quotidien catholique souligne « en Une » que l’Euro de football va « accaparer pendant un mois l’attention, alors que l’équipe de France bénéficie d’un fort soutien populaire ». Seulement voilà, admet La Croix, le gouvernement français « n’a pas encore trouvé le bonneteau magique pour déminer les divers conflits sociaux qui persistent avant le coup d’envoi ».
Le bonneteau ? C’est bien simple, estime L’Humanité, le président Hollande n’a qu’un geste à faire, sortir le « carton rouge » pour sortir le projet de loi travail « du terrain ». Et le quotidien communiste de se scandaliser en voyant ce qu’il appelle le « cynisme » de ceux qui, hier, « instrumentalisait la pluie », et qui, aujourd’hui « instrumentalisent l’Euro pour détourner l’attention » de la loi travail.
Euro : revoir la vie en Bleus
Et cette polémique est bien sûr attisée par la presse d’opposition. Pour le quotidien conservateur Le Figaro, le « match à gagner », c’est celui contre ce que ce journal appelle le « pouvoir de nuisance des syndicats » ! Car « la pagaille est totale », fulmine Le Figaro. Et ce journal ne décolère pas de voir le pays hôte de l'Euro « sens dessus dessous, otage d'une poignée de syndicalistes et contestataires violents ».
Le quotidien L’Opinion n’écrit pas autre chose. « La poursuite et même l’extension de la contestation sociale au premier jour de l’Euro révèlent un pays divisé », déplore ce journal conservateur.
Ainsi va la France… On laissera donc la conclusion au quotidien proche de la gauche Libération, qui l’admet : le « poids de l’édifice » que les joueurs français porteront les jours de match est « énorme ». Ce poids se résume en une simple feuille de route consignée par Libé, « rendre le sourire » à la France…