Avec notre correspondant à Vienne, Nathanaël Vittrant
Le résultat risque d’être serré, mais c’est Norbert Hofer qui part favori, vu son résultat au premier tour. Il avait obtenu plus de 36% des voix, contre un peu plus de 20% en faveur de son rival écologiste. L’Autriche va-t-elle donc avoir un président d’extrême droite ? Il faut bien sûr attendre dimanche soir pour le dire, mais il est certain que le succès de Norbert Hofer au premier tour propulse déjà son parti sur le devant de la scène politique en Autriche, ce qui change le paysage politique du pays.
Selon Ursula Plassnick, ancienne ministre des Affaires étrangères, actuellement ambassadrice d’Autriche en France, le vote en faveur de Norbert Hofer a exprimé « une frustration » de l’électorat par rapport au travail du gouvernement de coalition entre chrétiens-démocrates et social-démocrates, avec un chancelier social-démocrate. Cette « frustration » concerne notamment, explique Ursula Plassnick, « la situation sur le plan de la migration et la manière dont le gouvernement y fait face ». L’ambassadrice d’Autriche ajoute qu’il y a « peut-être aussi une contestation des élites traditionnelles ».
L’extrême droite au gouvernement ?
Dans cette ambiance du rejet des élites et des partis traditionnels, l’extrême droite peut-elle espérer d’entrer au gouvernement ? Le nouveau chancelier social-démocrate, Christian Kern, semble ne pas l’exclure. Il estime que continuer de le refuser serait « obsolète ».
Il faut dire que le FPÖ, tout comme le Front national en France ou Droit et justice en Pologne, a réussi la « dédiabolisation » du parti pour les besoins de la campagne électorale. Des spécialistes pensent que Norbert Hofer, toujours souriant et courtois, a certes réussi à polir l’image du FPÖ, mais sans rien céder sur le fond. Il est donc peut-être en train de frayer le chemin au patron du parti, Heinz-Christian Strache, beaucoup moins accepté par l’opinion publique à cause de ses opinions radicales.
Pour Catherine Horel, directrice de recherche au CNRS et enseignante à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, « ce qui a séduit, c'est que contrairement aux autres personnalités présentes et passées du FPÖ, Norbert Hofer a un profil moins agressif ». Elle rappelle qu’il n’a pas fait de « déclarations racistes », ce qui a « probablement rassuré une partie de l’électorat ». En revanche, poursuit Catherine Horel, « les personnes qui s’inquiètent de cette possible élection d’un président appartenant au FPÖ redoutent qu’aux prochaines élections législatives le FPÖ se trouve dans la possibilité de faire une coalition où il aurait un rôle important, et où le président, étant lui-même membre du FPÖ, serait tout à fait prêt à nommer Heinz-Christian Strache comme chancelier, ce qui est évidemment la combinaison que beaucoup redoutent ».
Prérogatives présidentielles
Si Norbert Hofer devient président du pays, son pouvoir réel sera théoriquement très étendu. Le président est le chef des armées et il peut dissoudre le Parlement. Ceci dit, la fonction présidentielle est très encadrée par la Constitution. L’ambassadrice d’Autriche en France, Ursula Plassnick, explique qu’un président en Autriche « a une position constitutionnelle qui le contraint à prendre certaines mesures exclusivement sur proposition du gouvernement ». Or, « derrière le gouvernement, il y a la majorité parlementaire ». En pratique, cela veut dire que le président ne peut procéder, par exemple, à la dissolution du Parlement que sur demande du gouvernement. Or, celui-ci s’appuie actuellement sur une majorité parlementaire d’une autre couleur politique que la sienne. Il aurait donc du mal à passer une telle décision.