Espagne: que reste-t-il vraiment du mouvement des Indignés?

Le 15 mai 2011, des dizaines de jeunes Indignés, en pleine crise économique espagnole, avaient occupé la Puerta del Sol de Madrid pendant des jours entiers. Ce qui est devenu un mouvement social avait embrasé l’Espagne puis d’autres pays, de Tel Aviv à Wall Street. Ce dimanche, sur cette même Puerta del Sol, cinq ans jour pour jour, un grand rassemblement a lieu pour commémorer cet événement.

Avec notre correspondant à Madrid, François Musseau

Cinq ans plus tard, la rue espagnole est bien plus tranquille. Si l’on s’en tient aux manifestations, marches, concentrations, on peut dire que depuis deux-trois ans, cet afflux mobilisateur a perdu beaucoup de sa force. En 2011, 2012 ou 2013, on assistait à plusieurs manifestations par semaine, en faveurs des mal-logés, contre les hommes politiques aux portes du Parlement, contre les banques, etc. Aujourd’hui, l’Espagne est un pays assagi, qui bénéficie d’une légère amélioration économique, malgré ses 23% d’actifs au chômage. Pour autant, l’esprit du 15-Mai est encore bien là. On en parle, on s’en réclame, et la plupart des Espagnols admettent qu’il y a encore des motifs d’indignation.

Podemos, pur produit des Indignés

Le parti Podemos, qui a fait une entrée fracassante au Parlement lors des législatives de décembre 2015 avec 69 députés est le produit du 15-Mai. Il reprend à son compte la remise en question du système, la nécessité de modifier la Constitution, de placer en priorité les droits sociaux sur les remboursements aux créanciers, la volonté d’instaurer une démocratie plus représentative, voire une démocratie directe, pour certains... En même temps, Podemos ne reflète pas l’ensemble du mouvement, seulement une partie. Beaucoup estiment qu’il a renoncé à être une formation horizontale, et qu’il est devenu une structure verticale, hiérarchique et, pour résumer, un parti comme un autre.

La Nuit debout a pris le relais

On peut imaginer qu’il y a des points communs entre le mouvement du 15-Mai et Nuit debout. La coïncidence des deux événements n’est pas un hasard. En réalité, les rassemblements Nuit debout autour de la place de la République sont vus avec une grande sympathie de la part des centaines de milliers d’Espagnols qui ont participé au 15-Mai de près ou de loin. Les événements en France constituent même pour des collectifs et des militants une sorte de gifle sociale, un réveil des consciences, alors même que, disent-il, on s’est un peu endormi en Espagne. Aux yeux des Indignés ici, les défis restent les mêmes : le système néo-libéral, le pouvoir excessif des banques et des grands organismes financiers, et la docilité complice des partis politiques. La Nuit debout a pris la suite, estime la majorité, et c’est tant mieux.

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