«Sieranevada», dispute familiale au Festival de Cannes

Le premier film en lice pour la Palme d’or ? Une dispute familiale en direct durant trois heures ! Le réalisateur roumain Cristi Puiu nous ouvre grand les portes pour vivre le cataclysme d'une famille à Bucarest. On découvre les répercussions de la petite et la grande Histoire sur les liens familiaux, magistralement mises en scène, interprétées et filmées.

Il est samedi. On est quatre jours après l’attentat contre Charlie Hebdo. Quelque part à Bucarest, une famille doit se réunir pour un repas funéraire en mémoire du patriarche, disparu il y a 40 jours. Mais dès le matin, les préparations s’annoncent laborieuses : manque de place de parking, la voiture se gare en deuxième ligne dans la ville encombrée de Bucarest. La rue est bloquée, ça klaxonne et s'impatiente. Nous aussi, nous attendons. L’histoire avance difficilement. Le repas sera bien mérité.

Une entrée paisible au paradis

Selon le rite de la région d'origine du défunt, il faut un prêtre - qui tarde à venir - et un costume, qui s'avère largement trop grand pour le petit-fils, censé ressusciter ainsi son grand-père pour une entrée paisible au paradis... Car, selon la tradition orthodoxe, l’âme du mort reste les premiers quarante jours après le décès en liberté.

En attendant, le prêtre, ça discute : sur le 11-Septembre, Fukushima, l’attentat contre Charlie Hebdo… Les frères réunis passent des hypothèses aux spéculations et théories du complot. Au fond, ils savent bien qu’il y a d’autres drames qui les concernent, beaucoup plus. Leur chemin de croix commence.

Un règlement de compte en mode XXL

L’appartement de la veuve se transforme en caisse de résonnance des querelles familiales du passé : cuisine, salon, couloir, chambre, salle de bain, toilette... Sous notre regard incrédule, chaque pièce se transforme en un lieu de règlement de comptes en mode XXL. L’Histoire douloureuse de la Roumanie s’invite aussi en apéritif.

Apparaissent alors les fissures profondes et dévastatrices provoquées par l’Histoire communiste. « Il n’y a pas d’idéal possible sans sacrifice », peste la tante, restée communiste, contre la sœur religieuse royaliste. La sœur aînée, au bord de la dépression, se chamaille avec son mari infidèle. Et pendant que le frère philosophe préfère garder la distance, Lary, 40 ans et docteur en médecine, n’arrive plus à trouver sa place à l’intérieur de la famille.

Un microcosme de la société roumaine

Il n’y a plus de repères. La tromperie du passé fait partout surface. Les couples se brisent, les petits enfants en trinquent : à l’instar de la petite-fille punk déchaînée et son amie complètement défoncée cherchant à se mettre à l’abri dans cet appartement devenu le microcosme de la société roumaine.

Cristi Puiu, 49 ans, l’un des chefs de file du cinéma réaliste en Roumanie, ne cache pas son plaisir de filmer cette réunion de famille comme une comédie satirique... La caméra n'arrête pas de balayer les chambres de droite à gauche sous tous les angles. Des longs plans-séquences pour passer au crible les mensonges de chacun et savourer l’extravagance des personnages à la fois banals et tragiques.

Quand la fiction d'une vie prend fin

Un huis clos aux traits d’une comédie dont les pleurs des uns et les vomissements des autres constituent les signes avant-coureurs du drame à venir. Un cataclysme familial chorégraphié et chronométré à la perfection. Ainsi, la fiction de leur vie prend fin au grand écran.

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