Avec notre correspondant à Bruxelles, Pierre Benazet
L’objectif central du sommet européen est de transformer en accord le projet présenté la semaine dernière par la Turquie sous parrainage allemand. En échange de son aide pour résoudre la crise des migrants, la Turquie espère trois contreparties : de 3 à 6 milliards d’euros, la levée des visas et une relance des négociations d’adhésion.
Mais beaucoup de pays d’Europe centrale refusent de répartir sur leur territoire respectif une sorte de quotas de réfugiés. Par ailleurs, plusieurs pays annoncent qu’ils n’accepteront pas la levée des visas si la Turquie ne remplit pas la totalité des conditions prévues.
Régularisation des départs
Le pivot de ce projet d’accord est le plan surnommé « un pour un ». Autrement dit, en grossissant le trait, les Européens reprendraient autant de Syriens qu’ils en renverraient vers la Turquie, mais ceux qu'ils accepteraient alors auront été dûment enregistrés au préalable en Turquie.
Mais dans la pratique, le principe, c'est que la Turquie accepte de réadmettre sur son territoire tous les migrants passés illégalement en Grèce en traversant la mer Egée.
Auditions individuelles
Pour ce qui est des migrants économiques, ils sont juridiquement considérés comme des clandestins. Et il s’agirait donc, selon le plan esquissé, d’un simple rapatriement comme l’Europe en organise régulièrement.
Pour tous ceux qui ont titre à déposer une demande d’asile, les règles internationales interdisent le refoulement, c’est-à-dire le renvoi collectif. Il faudra donc que tous ceux qui pourraient prétendre au statut de réfugié soient auditionnés individuellement avant qu’ils puissent être remis sur un ferry en direction de la Grèce.
Lutter contre les passeurs
Ce plan serait, selon le président de la Commission européenne, le plus sûr moyen de lutter contre les passeurs. « Pourquoi est-ce qu’un réfugié prendrait le bateau, si j’ose dire, en courant les plus grands risques, si dès le début il sait que la chance est grande qu’il se verra renvoyer en Turquie ? », interroge Jean-Claude Juncker.
« Est-ce que vous paieriez 1 000 ou 1 500 dollars à un trafiquant, avec comme seule perspective de vous retrouver rapidement de retour sur le territoire turc ? Donc, on prive les trafiquants de clients », considère le président de la Commission.
Quelle position pour Chypre ?
La principale pierre d’achoppement à ce sommet sera-t-elle Chypre ? Nicosie refuse en principe d’ouvrir de nouveaux chapitres de négociations à l'adhésion de la Turquie à l'Union, en particulier tant qu’Ankara n’aura pas reconnu officiellement son existence, ce que la Turquie qualifie de caprice.
L'obstacle est réel, mais le président chypriote Nicos Anastasiades a déclaré jeudi qu'il espérait un « compromis », après avoir menacé ces derniers jours de bloquer les discussions. « Il y a des obstacles, mais j'espère qu'il y aura un compromis durant les délibérations qui vont suivre », estime M. Anastasiades.