L'accord esquissé par la chancelière Angela Merkel et le premier ministre turc Ahmet Davutoglu veut apporter « une solution durable à la crise migratoire ». C'est faire preuve de beaucoup d'optimisme, tant les obstacles sont nombreux.
Le renvoi en Turquie des réfugiés syriens arrivés illégalement sur les îles grecques est le point qui suscite le plus de critiques chez certains Européens.
Pour être légale, chaque demande d'asile et chaque recours déposé doit être traitée individuellement. Un défi énorme pour Athènes, en moyens humains et matériels.
Il faut aussi que la protection des réfugiés, en Turquie, soit conforme aux standards internationaux, ce qui n'est pas encore acté, souligne-t-on dans l'entourage de François Hollande.
La question des contreparties
Selon la déclaration que le journal Le Figaro a consultée, le compromis qui pourrait s'esquisser est cependant assez clair : « Tout migrant nouvellement arrivé de Turquie dans les îles grecques sera renvoyé en Turquie. »
Reste que les contreparties exigées par la Turquie pour sa pleine coopération font débat. « Il n'y aura aucune concession en matière de droits de l'homme ou de libéralisation des visas », a affirmé le président français.
Candidature turque à l'UE
La Turquie est candidate à l'Union européenne depuis des décennies, et souhaite profiter de l'occasion actuelle pour ouvrir, notamment, de nouveaux chapitres de discussion autour de son adhésion.
Problème : Ankara ne remplit que 10 des 72 critères exigés par l'Union européenne pour avancer dans ce dossier. Et à cela s'ajoute le fait qu'ouvrir de nouveaux chapitres suppose également une percée sur le dossier conflictuel de l'île de Chypre, ce qui loin d'être acquis.
La Turquie, qui interdit l’accès à ses ports et aéroports aux navires et aéronefs battant pavillon chypriote, refuse toujours de reconnaître jusqu'à l'existence légale de ce pays, une île dont la partie nord turcophone, séparée du sud depuis 1974, jouit d'un statut d’Etat aux yeux d'Ankara.
Le veto chypriote dans l'UE
D'où l'extrême réticence, dans les discussions actuelles au sein de l'UE, des autorités hellénophones de Nicosie, au sud de Chypre. Car dans l’attente d'une réunification, en matière de droit international mais aussi aux yeux des Européens, ce sont elles qui représentent l’Etat chypriote, membre de l'UE.
Certes, depuis peu, les pourparlers intra-chypriotes, chapeautés par les Nations unies, avancent bien vers l'objectif d'une réunification. L’on pourrait même déboucher sur un référendum avant la fin de cette année, rappelle notre correspondant à Bruxelles, Quentin Dickinson.
Mais pour rappel, 33 chapitres thématiques articulent les discussions européennes autour de l'adhésion de la Turquie à l'Union. Et cette dernière, contre sa pleine coopération dans la crise migratoire, demande un dégel pour huit de ces chapitres.
Or, Chypre a d'ores et déjà mis son veto sur cinq d'entre eux. Et visiblement, Nicosie n’entend pas renoncer entièrement à cet efficace moyen de pression sur la Turquie. Un moyen que lui offre sa propre adhésion à l'Union européenne en 2004.