Réformes en Pologne: l'UE lance un avertissement à Varsovie

La Commission européenne a décidé ce mercredi 13 janvier 2016 de lancer une procédure de sauvegarde de l'Etat de droit et des valeurs européennes à l’encontre du gouvernement polonais. Cette démarche inédite intervient trois semaines après l'adoption par le Parlement polonais la première loi controversée sur le Tribunal constitutionnel.

En ouvrant cette procédure inventée en 2014 et encore jamais utilisée, la Commission européenne a en quelque sorte placé la Pologne sous surveillance, rapporte notre correspondant à Bruxelles, Pierre Bénazet. Pour l’instant, il s'agit uniquement d'une procédure de dialogue. La Commission va envoyer à Varsovie une lettre informant de l'ouverture « d'un dialogue structuré » où le gouvernement sera appelé à fournir des explications. Cela doit déboucher sur un avis de la Commission, voire d'un suivi si nécessaire.

La Commission européenne rappelle ses inquiétudes, mais présente sa décision comme un simple dialogue qui constitue en soi un avertissement. On est encore loin de la procédure dite « de l'article 7 » qui peut théoriquement déboucher sur des sanctions comme la privation des droits de vote du pays au Conseil européen.

Ce n'est que si cet avis est négatif que l'affaire pourrait éventuellement être portée devant les 28 Etats membres. Mais toute décision devrait être unanime. Or la question divise les Européens, le nouveau gouvernement polonais comptant en outre de forts soutiens en Europe centrale, notamment la Hongrie.

Des mesures controversées

Cette nouvelle procédure est en tout cas un signal fort envoyé à la Pologne. Depuis leur retour aux affaires il y a plus de deux mois, les conservateurs suscitent des doutes à Bruxelles. La Commission européenne avait même envoyé deux lettres, fin décembre, pour demander des explications à propos de deux mesures. La première est celle de la réforme du Tribunal constitutionnel et la nomination de cinq juges par le pouvoir. La seconde concerne l'adoption de la loi sur les médias. C'est désormais le ministre du Trésor qui nommera les dirigeants des radios et des télévisions publiques.

Depuis l'adoption de ces deux réformes polémiques en Pologne, des manifestants descendent tous les week-ends dans les rues du pays pour dénoncer la dérive autoritaire du parti Droit et Justice au pouvoir. Des manifestations organisées par le Comité de défense de la démocratie, le KOD, créé en réaction aux mesures gouvernementales. Ce mouvement se réjouit que l'Union européenne partage l'inquiétude des manifestants, mais préfèrerait que les choses se règlent directement entre les citoyens polonais et leur gouvernement.

« Nous ne voulons en aucun cas que la Commission européenne inflige des sanctions à la Pologne, explique à RFI la vice-présidente du mouvement, Joanna Roqueblave. Tout ce que nous nous voulons, c'est d'avoir l'opinion objective de la Commission européenne sur la situation en Pologne. Disons que la Commission a confirmé pleinement notre diagnostic. [...] Nous voudrions pouvoir dialoguer avec notre gouvernement en Pologne et pas à travers l'Union européenne. »

Euroscepticisme

Si ces deux réformes ne sont pas en infraction avec le droit européen, elles inquiètent Bruxelles. Mais cette procédure lancée par la Commission européenne n’est pas sans risques. Elle peut crisper un peu plus les dirigeants polonais, fortement eurosceptiques. Ce mercredi encore, Beata Szydło, la chef du gouvernement, a fustigé ce qu'elle appelle les « calomnies » sur son pays.

Les dirigeants polonais auront en tout cas bientôt l'occasion de défendre leur point de vue devant les instances européennes : le président Andrzej Duda doit se rendre à Bruxelles le 18 janvier et Beata Szydło débattra avec le Parlement européen le lendemain.

Le porte-parole du gouvernement polonais a par ailleurs relativisé la décision de la Commission, soulignant qu'elle ne saurait avoir un impact négatif sur les relations entre Varsovie et Bruxelles. Un avis partagé par l'ambassadeur de Pologne en France Andrzej Byrt, qui se dit serein sur l'issue de la procédure. Il était l'invité du débat du jour ce mercredi sur RFI.

Partager :