La vie a repris à Sultanahmet. Une drôle d’ambiance règne. Sur la grande avenue de Divan Yolu, les commerçants redoutaient un drame. « On ne savait pas quand, mais on savait que quelque chose allait arriver », glisse un vendeur à notre correspondant, Alexandre Billette. « On a peur. Tout autour de la Turquie c’est la guerre. On n’est pas habitués, et là, on est en train de tout perdre. Les touristes veulent venir à Istanbul, et voilà ce qui arrive. C’est tragique. Et nous, il faut gagner notre vie, mais regardez, c’est désert maintenant », se désespère Ali, employé dans une boulangerie.
Dix personnes, dont huit Allemands, sont mortes dans l’attentat qui a frappé ce mardi la vieille ville d’Istanbul. Sultanahmet est le cœur historique et touristique de la capitale économique turque. C’est là, sur la rive occidentale du Bosphore, que se dressent la basilique Sainte-Sophie et la Mosquée bleue, les deux monuments les plus visités du pays.
Déstabiliser l'économie
La Turquie est depuis 25 ans le théâtre de nombreux attentats, dont le plus meurtrier est survenu à Ankara le 10 octobre dernier, faisant 103 morts. Cette fois, en ciblant Istanbul et les lieux touristiques, les jihadistes veulent déstabiliser tout un pan de l'économie turque. « Si c’est effectivement l’organisation Etat islamique qui est responsable de tous ces attentats, cela veut dire qu’il y a une capacité d’agir dans des contextes très différents en Turquie, mais un peu partout. Et cela, ça a de quoi affoler les touristes », analyse Dorothée Schmidt, spécialiste de la Turquie à l’Institut français de relations internationales (IFRI).
Avec ses 40 millions de visiteurs, la Turquie était encore en 2014 la sixième destination mondiale. Un rang qu'elle ne pourra pas garder tant la fréquentation a chuté. Alors que le pays vient de perdre une grande partie de sa clientèle russe suite aux crispations diplomatiques entre Ankara et Moscou, ce nouvel attentat risque d’être un nouveau coup dur pour la Turquie. « Cet attentat va avoir un impact très important sur des clientèles qui étaient restées fidèles, notamment des clientèles allemandes ou du nord de l’Europe », prédit ainsi Didier Arino, directeur du cabinet Protourisme.
Après cet attentat, les chancelleries occidentales ont conseillé à leurs ressortissants d’éviter les lieux touristiques d’Istanbul. Le voyagiste allemand TUI a proposé à ses clients ayant prévu un voyage dans la capitale économique turque de l'annuler ou le modifier gratuitement.