Avec notre correspondant à Istanbul, Jérôme Bastion
Eprouvé par le faux pas de juin dernier, l’AKP a sauvé la mise et son chef, le Premier ministre Ahmet Davutoglu, a sauvé sa chemise. Avec 312 sièges sur 550 au Parlement, le Parti de la justice et du développement dispose d’une majorité qui lui permettra de gouverner confortablement.
« Les résultats de cette élection montrent que notre nation a pris le parti de l'environnement de stabilité et de confiance qu'avaient menacé les élections du 7 juin », s'est félicité le président Recep Tayyip Erdogan dans un communiqué diffusé dimanche soir.
Une Constitution intouchable
Mais ce résultat inespéré ne suffira pas à assouvir le grand rêve du chef de l'Etat d’instaurer un régime présidentiel fort et de diriger le pays en maître absolu, puisqu’il lui aurait fallu une majorité qualifiée de 330 sièges pour soumettre cette réforme à un référendum, ou de 367 sièges pour l’adopter directement au Parlement.
Le président Erdogan a adressé ses félicitations à son Premier ministre, probablement reconduit dans ses fonctions, et a estimé que cette victoire était un message fort adressé à la rébellion kurde du PKK.
Le HDP sauve sa représentation
Pourtant, le parti pro-kurde HDP a lui aussi réussi à préserver de justesse sa représentation au Parlement, et devient le troisième parti du pays. Dans la soirée, son président, Selahettin Demirtas, a promis de continuer à lutter contre la répression du peuple kurde, mais il ne paraît plus en mesure de proposer la relance des négociations pour une solution au problème kurde.
Par ailleurs, l'opposition laïque du Parti républicain du peuple (CHP) demeure la deuxième force du politique du pays, et améliore même son score du 7 juin avec un peu plus de 25 % des suffrages.
■ Des élections qui ne marquent pas la fin des tensions
Avec notre envoyé spécial à Diyarbakir, Nicolas Falez
Ces élections ont eu lieu après des semaines de violences, mais à l’approche du scrutin, une trêve unilatérale a été décrétée, il y a trois semaines, par la guérilla kurde du PKK. Cela n’empêche pas l’armée de mener de temps à autres des opérations et des bombardements ponctuels, ce qui nous a été confirmé par des habitants de la région ces derniers jours.
Par ailleurs, les militaires ont imposé de vaste « zones de sécurité », ce qui inquiète les défenseurs des droits de l’homme, rencontrés ici à Diyarbakir dans le sud-est. Un député kurde, interrogé hier soir, après l’annonce des résultats, estime que la situation sécuritaire dans la région dépend à présent de l’attitude du prochain gouvernement. Choisira-t-il de relancer une offensive militaire ? Ou au contraire de renouer les fils du dialogue ? L’AKP et les Kurdes ont entamé un processus de paix en 2012, celui-là même que l’on a vu s’interrompre quand les autorités turques ont lancé ce qu’elles appellent une « guerre contre le terrorisme ».
Dans un communiqué publié cette nuit, le chef de l’Etat Recep Tayyip Erdogan a affirmé que le résultat des élections adresse un « message » à la guérilla kurde du PKK : « L'oppression et l'effusion de sang ne peuvent coexister avec la démocratie. »