La solidarité affichée par la Pologne avec les autres pays de l’Union européenne ne s'est pas imposée sans mal. Jusqu'à la mi-septembre, le gouvernement libéral du Premier ministre Ewa Kopacz ne voulait pas accueillir plus de 2 200 réfugiés et surtout ne voulait pas entendre parler de quota. Finalement, Varsovie a accepté un triplement de ce nombre, voire davantage encore de réfugiés, mais uniquement pour faire plaisir au président du Conseil européen, le Polonais Donald Tusk, qui avait cédé sa place de Premier ministre à Ewa Kopacz. La presse polonaise n'a pas manqué d'attribuer ce revirement aux pressions de la chancelière allemande Angela Merkel sur Donald Tusk, ce qui a probablement renforcé le camp conservateur qui ne veut pas de réfugiés en Pologne.
L'opposition conservatrice favorite
Le futur gouvernement polonais risque de devoir s’appuyer sur une majorité instable. Le débat sur l'immigration devrait profiter surtout au parti conservateur populiste Droit et Justice de l'ancien Premier ministre Jaroslaw Kaczynski. Il est en tête des sondages, crédité de 32 à 34 % des intentions de vote, et il devrait obtenir près de 200 des 460 sièges du Parlement de Varsovie. Mais il aura sans doute du mal à trouver des alliances pour une majorité stable.
En deuxième position, les libéraux de la Plateforme civique (PO), actuellement au pouvoir, sont crédités d'un peu plus de 26 % d'intentions de vote, ce qui leur donnerait environ 155 sièges, soit un tiers des députés. A remarquer la montée en puissance d'une troisième force politique, le parti Kukiz'15 du chanteur de rock anti-système Pawel Kukiz, qui est crédité de plus de 10 % d'intentions de vote et pourrait faire son entrée à la Diète, la chambre basse du Parlement polonais, avec plus de 40 sièges. Il y a aussi d'autres partis qui pourraient dépasser le seuil de 8 % indispensable pour entrer au Parlement, la mieux placée étant une coalition de gauche.
La crainte d'une Europe dominée par la charia
Les conservateurs populistes imaginent une Europe dominée par la charia. C’est donc le parti conservateur qui a imposé la crise des migrants comme thème majeur de la campagne. Mais les arguments du chef du parti, Jaroslaw Kaczynsnki, ainsi que sa candidate au poste de Premier ministre, Beata Szydlo, frisent tout simplement le délire. « On voit déjà émerger de dangereuses maladies qu'on n'avait pas vues en Europe depuis longtemps : le choléra en Grèce, la dysenterie à Vienne, ou encore divers types de parasites qui ne sont pas dangereux dans l'organisme de ces gens, mais pourraient l'être ici », a déclaré par exemple Jaroslaw Kaczynski, cité dans un article du quotidien Libération.
Il s’agit là d'un langage digne de Hitler, selon un député de la gauche polonaise. Mais l'ancien Premier ministre populiste conservateur n'en démord pas et il dresse un tableau sidérant de la situation qui prévaut soi-disant en Europe occidentale, avec l'arrivée des migrants : « En Suède, il y a 54 zones où la charia s'applique, sans contrôle de l'Etat. Les gens ont peur d'accrocher des drapeaux sur les bâtiments scolaires juste parce qu’il 'y a une croix dessus. En Suède toujours, les écolières n'ont plus le droit de porter des tenues courtes, car ce n'est pas apprécié par les autres. Et que se passe-t-il en Italie ? Les églises sont occupées, quelquefois utilisées comme des toilettes. Et en France, les émeutes qui n'en finissent plus, la charia qui s'est imposée et les patrouilles qui surveillent son application. »
Une majorité de Polonais hostiles à l'accueil des migrants
Même les gens qui veulent aider les réfugiés de guerre pensent d’abord aux Polonais. Heureusement, toutes les formations politiques polonaises n'ont pas ce discours, mais force est de constater que la peur des immigrés marche à fond. Ainsi, selon le même article, en septembre, 53 % des Polonais pensaient qu'il fallait aider les réfugiés, alors qu'en octobre, l'équilibre s'est complètement inversé, un sondage montrant que 56 % des gens étaient hostiles à l'accueil des migrants.
Et alors que des jeunes urbains et des artistes mobilisaient seulement 3 000 personnes à Varsovie en faveur de l'aide aux réfugiés, l'extrême droite xénophobe réussissait à rassembler une dizaine de milliers de personnes dans la capitale polonaise, avec des mots d'ordre très explicites « Non à l'islamisation du pays » ou encore « Les immigrants sont un cheval de Troie pour l'Europe ». Et lorsqu'il s'agit d'aider des gens menacés par la guerre, pas mal de Polonais pensent en priorité à leurs compatriotes qui vivent en Ukraine.