Comment le gouvernement polonais explique-t-il ce revirement de situation ?
La Pologne n'avait aucune chance de bloquer l'accord, car le vote se faisait à la majorité et non à l'unanimité. Même Varsovie s'était joint aux pays qui votaient contre, elle serait restée en minorité par rapport au reste de l'Union européenne. Mais ne nous y trompons pas, si la Pologne a voté pour, c'est parce qu'elle a obtenu toutes les concessions qu'elle voulait. Au départ, Bruxelles voulait lui attribuer 12 000 migrants. Finalement, elle n'en accueillera que 4 500. Le système répartition de migrants via des quotas automatiques obligatoires a été abandonné. Et enfin, la Pologne pourra contrôler qui rentre sur son territoire et vérifier qu'il s'agit bien de migrants « humanitaires » et non « économiques ». Au final, le gouvernement polonais obtient donc tout ce qu'il veut, sans que l'Europe ne puisse le taxer de manque de solidarité.
C'est en tout cas l'avis du gouvernement polonais. Mais nous sommes en pleine campagne électorale avant les élections législatives et l'opposition ne voit pas du tout les choses de la même façon ?
Effectivement, la candidate du parti conservateur Droit et Justice au poste de Premier ministre, Beata Szydlo, a tenu une conférence de presse hier matin pour dénoncer « le scandale » et « la tromperie » que constitue l'accord voté à Bruxelles. Selon elle, cet accord va créer un précédent et ouvrir la porte à une nouvelle vague de réfugiés car ceux qui vont arriver en Pologne pourront légalement y faire venir leur famille. Beata Szydlo condamne par ailleurs l'attitude de la Pologne vis-à-vis des autres membres du groupe de Visegrad, à savoir la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie. Autre leader de l'opposition polonaise, Pawel Kukiz a quant-à lui brandi la menace terroriste pour dénoncer, lui aussi cet accord. Selon lui, l'Europe doit clairement dire que plus aucun migrant ne sera désormais accepté.
Le parti conservateur Droit et Justice est donné largement favori dans les sondages pour remporter les élections législatives. Si tel est le cas, est-ce que la politique d'immigration de la Pologne peut changer à l'avenir ?
Oui, certainement. Beata Szydlo, la très probable future Première ministre polonaise, a affirmé que, si elle est élue, la priorité de la Pologne sera d'assurer sa propre sécurité et de ressouder les liens avec les pays de sa région. En revanche, elle n'a pas précisé si elle voudra bien accueillir des immigrants ou bien pas du tout. Le porte-parole de l'actuel gouvernement libéral voit dans ces déclarations la différence fondamentale entre le gouvernement actuel pro-européen et le parti eurosceptique auquel appartient Beata Szydlo. Si cette dernière arrive au pouvoir, la Pologne reviendra au temps des frères jumeaux Kaczynski en 2005 où l'un était président, l'autre Premier ministre. A l'époque la Pologne mettait son veto à toute proposition de Bruxelles qui ne lui plaisait pas.