Un plan européen sur le retour des migrants non réfugiés en débat

La question migratoire est au coeur d'une nouvelle réunion européenne. Un Conseil des ministres de l'Intérieur des 28 Etats membres qui se tient au Luxembourg ce jeudi 8 octobre. Et c'est la question du retour de ceux qui n'obtiennent pas le statut de réfugié qui sera débattue. Mais déjà, le contenu de ce plan, révélé par la presse britannique, suscite des réticences.

« Il n'y a pas de politique d'accueil durable sans éloignement de ceux qui ne relèvent pas de la protection internationale. » Bernard Cazeneuve, le ministre français de l’Intérieur le répète : un meilleur accueil des réfugiés passe aussi par une plus grande fermeté à l'égard des migrants économiques. Et l'Europe est au diapason, assure-t-il. Il lui faut juste savoir agir. « Les Européens doivent appliquer les politiques qu’ils décident, affirme-t-il. C’est toujours mon problème au sein de l’Union européenne. Les décisions sont bonnes, mais le temps et trop long. »

Pierre angulaire du plan européen pour les migrants: les « hotspots », ces centres vers lesquels les nouveaux arrivants doivent être aiguillés en attendant de déterminer s'ils répondent ou non aux critères de l'asile. Un outil important aussi pour faciliter les retours, affirme Bernard Cazeneuve. « Les "hotspots" doivent être mis en place au 1er novembre au plus tard. Cela veut dire qu’il y a un processus de contrôle européen, permanent, qui permet de veiller à ce que des règles soient établies. Cela veut dire qu’il y a un dispositif de retour qui est organisé par Frontex. »

Mesures contraignantes

L'agence en charge du contrôle des frontières extérieures de l'Union devrait en effet voir ses effectifs renforcés, avec la création d'une unité spéciale chargée d'aider les Etats membres dans les expulsions, par une aide logistique et financière.

Mais le plan prévoit également des mesures plus contraignantes. Selon quotidien britannique The Times, qui s'en est procuré une copie, le texte prévoirait en effet l'obligation pour les pays membres d'expulser tous les migrants en situation irrégulière. La Commission européenne pourrait imposer des sanctions et des amendes aux pays qui n'agiraient pas en ce sens. Enfin les migrants devront être enfermés dans des centres de rétention en attendant leur renvoi au pays. Et le plan prévoit aussi d'accroître la pression sur les pays d'origine. L'aide au développement pourrait être liée à leur coopération dans l'organisation du retour de leurs ressortissants.

La députée européenne de la droite modérée Françoise Grossetête souligne qu'elle ne connaît pas le document évoqué par le journal britannique et qu'elle n'est pas en mesure d'en vérifier la véracité, mais, sur le principe, elle estime que des expulsions des migrants qui n'obtiendront pas le droit d'asile seront inévitables. « Si on dit qu’il y a plusieurs centaines de milliers de migrants qui ne peuvent pas bénéficier du droit d’asile, effectivement les positions que nous avons tous prises c’est de dire qu’il faut à ce moment là qu’ils soient reconduits dans leurs pays. Il faut que cela se fasse dans l’ordre, bien évidemment, parce que nous avons besoin d’assurer une certaine sécurité dans nos pays, dans les Etats membres de l’Union européenne. Nous avons besoin d’assurer le bon contrôle de nos frontières. Mais vraiment de façon la plus humaine possible, dans des conditions qui soient tout à fait dignes du respect de ces personnes. Mais il faut être ferme aussi. Si les décisions sont prises, si les décisions juridiques sont prises, il faut les appliquer », explique l'eurodéputée.

Criminalisation des migrants

En revanche, la Cimade, une association de solidarité active avec les migrants, les réfugiés et les demandeurs d'asile, y voit une tentative de monter les migrants les uns contre les autres.

« Les mesures qui sont proposées ne font que confirmer le discours politique de l’Union européenne et des Etats membres de mise en opposition des catégories de migrants entre eux, explique Jean-Claude Mas, secrétaire général de la Cimade. [Ceux] qui relèvent de la Convention de Genève, donc des réfugiés, et les autres migrants, dits économiques, qui pour autant ont des motifs très légitimes de migration. » Le plus scandaleux, selon lui, est que ce plan risque de faire de ces migrants écartés des délinquants.

« Ce sont des gens qui fuient l’extrême misère, et la pauvreté, que l’on va criminaliser en voulant les enfermer et en les renvoyant dans leurs pays, s’insurge-t-il, alors même qu’ils justifieraient d’un effort de solidarité de la part de l’Union européenne. On peut fuir son pays pour des raisons de persécution, mais on peut fuir aussi son pays pour des raisons économiques fortes d’autosurvie. Et il n’est pas possible que l’Union européenne réponde à ces gens-là en les enfermant et en les renvoyant sans autre mesure de possibilité d’envisager des moyens de solidarité ou d’accueil dans l’Union européenne. »

Pour l'eurodéputé José Bové, ce « genre de mesures est en contradiction totale avec toutes les valeurs qui ont été portées aussi bien au niveau européen, mais au niveau aussi international, avec la déclaration universelle des droits de l’homme. Donc ce genre de propositions, pour moi, doit être rejeté avec la plus grande vigueur. » « C’est tout à fait scandaleux », s'insurge-t-il.
 

→ Les réfugiés en Europe sont aussi à la Une de la revue de la presse française de ce jeudi.

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