Synode de la famille à Rome : un besoin de réconciliation

Le deuxième volet du synode sur la famille s'est ouvert à Rome à la demande du pape François jusqu’au 25 octobre. Le « synode » est un organe consultatif de l'Eglise catholique. Il rassemble quelque 360 participants: cardinaux, évêques, experts laïcs et religieux, catholiques dans leur grande majorité, mais pas seulement pour débattre de la famille dans l’Eglise et dans la société. Le divorce, l'avortement, l'union libre hors mariage et les relations homosexuelles seront donc évoqués. Cette assemblée se tient à l'issue d'un processus de consultations entamé l'an dernier.

A la différence de son prédécesseur Benoit XVI, le pape François a la volonté de ne rien imposer d’en haut, mais de partir de la base, pour rapprocher le discours de l’Eglise de la vie quotidienne des croyants et fidèles. C’est la « méthode François », comme nous l’explique l’évêque du Havre, Jean-Luc Brunin. Il préside le conseil « Famille et Société » de la Conférence des évêques de France. Il est l’un des cinq délégués de France au Synode.

RFI l'a rencontré juste avant qu’il ne parte pour Rome : « Ce que le pape a voulu c’est mettre en place une méthode. C’est la première fois qu’un synode se déroule sur deux ans. C’est une méthode qui commence par la consultation du peuple de Dieu. Quelle est la réalité ? On a un pape qui nous apprend à regarder la réalité. Il ne s’agit pas d’avoir une Eglise qui développe un discours idéal en soi -même s’il est très beau- mais de regarder quelles sont les difficultés concrètes. Et comme il le disait à la fin de la première session du synode, 'nous avons maintenant un an pour approfondir les questions et pour dépasser les difficultés qui aujourd’hui découragent les familles qui sont aux prises avec des évolutions culturelles, avec des difficultés sociaux-économiques, des difficultés de tous genres'».

Il y a donc eu un document de travail élaboré à l’issue du synode extraordinaire de l’an dernier. Un an de réflexion, qui a donné lieu à de nombreux débats, de nombreuses publications. Tout a été mis sur la table, et il s’est avéré que de farouches résistances ont été opposées par les plus conservateurs aux partisans de l’ouverture. Pour éviter que l’on aille au clash cette fois-ci, le pape a tout fait pour ménager les deux camps. On ne touchera pas à la doctrine, dit-il, notamment sur la question du mariage -sacrement qui bénit l’union d’un homme et une femme- et le droit à la vie, qui s’oppose à l’avortement. Ces sujets fondamentaux ont d’ailleurs été abordés par le pape devant les Nations unies deux semaines avant le synode : « La défense de l’environnement et la lutte contre les exclusions exigent la reconnaissance d’une loi morale inscrite dans la nature humaine elle-même qui comprend la distinction naturelle entre homme et femme et le respect absolu de la vie dans toutes ses étapes et toutes ses dimensions ».

Concilier la doctrine et la lutte contre les exclusions

Le pape rappelle donc les fondements de la foi catholique tout en insistant sur la lutte contre les exclusions. C’est toute l’ambigüité de ce pape jésuite de formation si l’on peut dire, et donc proche des hautes sphères et des milieux conservateurs, tout en s’appliquant à se rapprocher des pauvres, et des plus humbles, comme il a voulu le signifier en prenant le nom de François d’Assise, le défenseur des exclus et des plus vulnérables.

Cela suggère des ouvertures préconisées face à tous ceux – notamment les divorcés remariés - qui sont privés de l’accès aux sacrements de l’Eglise : la communion, le pardon accordé lors de la confession notamment. Mais en jouant sur les deux tableaux – tradition et ouverture - le pape François n’est pas compris de tous, il rencontre de fortes résistances notamment dans le clergé des pays du sud, qui craignent de voir les repères traditionnels de l’Eglise un peu brouillés. C’est ce qu’explique l’historien des religions Odon Vallet : « Les évêques africains disent souvent : "Mais au fond, les Occidentaux veulent nous imposer leur morale, qui est une morale laxiste, on divorce beaucoup, on admet le mariage homosexuel, tout ça n’est pas conforme aux traditions africaines". En réalité en Afrique il y a aussi la polygamie et il y a toujours eu de l’homosexualité même si c’est très, très discret. En même temps il y a une nouvelle génération de chrétiens en Afrique, qui se demandent s’il ne faut pas évoluer un peu sur le plan moral».

Faut-il attendre du nouveau de ce synode ?

La démarche visant à consulter les croyants jusque dans les diocèses est déjà un élément nouveau. La direction que souhaite donner le Pape est celle d’une Eglise plus accueillante, plus de « cas par cas », et sans doute une plus grande décentralisation du pouvoir de l’Eglise. C’est du moins la volonté du Pape, et c’est lui qui aura le dernier mot, puisqu’à l’issue des travaux, il recueillera les avis, et fixera les orientations dans ce que l’on appelle une « exhortation apostolique ».

Néanmoins, l’ouverture a ses limites, aux yeux du Vatican, comme en témoigne la décision de démettre de ses fonctions le père Krzystof Charamsa, théologien polonais qui a dévoilé son homosexualité dans un entretien publié ce dimanche par un journal italien, estimant qu’il était temps « que l’Eglise ouvre les yeux face aux gays croyants et comprenne que la solution qu’elle propose, à savoir l’abstinence totale et une vie sans amour, n’est pas humaine ». Il ne faut pas s’attendre notamment, à ce que le synode remette en cause le célibat des prêtres, quelle que soit leur orientation sexuelle.

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