Accueil des migrants: l'UE face à l'urgence

Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés estime que le nombre de personnes traversant la Méditerranée pour trouver asile en Europe devrait s’élever à 400 000 cette année et à 450 000 en 2016. La Commission européenne lance pour l’instant des propositions concernant la répartition de 160 000 réfugiés sur le territoire de l’UE.

Face à l’ampleur du phénomène, les instruments dont dispose l’Union européenne, notamment les accords de Schengen et de Dublin, risquent de devenir inopérants. Bruxelles et les Etats membres gèrent la situation et essayent de s’y adapter comme ils peuvent.

Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, a dévoilé ce mercredi 9 septembre les propositions de la Commission européenne sur la répartition parmi les pays membres de l’UE d’un total de 160 000 demandeurs d’asile, concentrés à présent principalement en Italie, en Grèce et en Hongrie.

Relocalisation

Faite avant l’été, la première proposition de la Commission concernait 40 000 réfugiés, mais face à un véritable exode, notamment de la Syrie en guerre, que l’Europe a dû affronter pendant l’été, Jean-Claude Juncker propose maintenant d’ajouter 120 000 personnes au plan de «  relocalisation  », c’est-à-dire de transfert d’un Etat membre vers un autre. Transfert impossible sous le régime de l’accord dit Dublin II, qui impose l’accueil des réfugiés au premier pays où ils mettent le pied. A présent, il est de plus en plus évident que ce régime-là devient intenable. L’Allemagne appelle ouvertement à le suspendre.

Les pays priés par la Commission d’accueillir le plus grand nombre de réfugiés, sont l’Allemagne (plus de 40 000) et la France (plus de 30 000). Le président François Hollande a déjà assuré que la France était prête à en accueillir 24 000, qui s’ajoutent à plus de 6 700 acceptés déjà avant l’été.

Sujet politiquement sensible

Lors de sa récente conférence de presse, le chef de l’Etat a souligné que les autorités comptaient beaucoup sur le soutien de la société civile. Il espère que les réfugiés seront accueillis « de manière digne et sérieuse ». Le président semble se rendre compte que le sujet est politiquement sensible et que le risque de dérapages existe. Et pour cause. En Allemagne, l’autre grand pays d’accueil, on se souvient de plusieurs tentatives d’incendier des foyers préparés pour les réfugiés.

Toutefois, en général, il y a un vrai phénomène de mobilisation en faveur de réfugiés autour de la chancelière Angela Merkel, qui, elle, veut que l’Europe aille encore plus loin que les propositions actuelles de la Commission. Elle ne les traite que comme « un premier pas », malgré de fortes réticences dans certaines régions de son propre pays.

Gilbert Casasus, politologue à l’Université de Fribourg, rappelle que la chancelière doit affronter « des milieux d’extrême droite, notamment dans les régions protestantes de la Saxe, où il y a une opposition très grande face aux réfugiés ». Mais ce qui compte, explique le chercheur, c’est qu’Angela Merkel a su reconnaître à temps le phénomène de soutien aux réfugiés et « se placer au devant de la scène en Europe » en la matière. Ainsi, « elle a marqué des points historiques par rapport à ses homologues européens ».

Plusieurs partenaires trainent les pieds

Il est vrai que plusieurs partenaires européens trainent les pieds. Surtout en Europe centrale, où les populations sont relativement homogènes, l’idée d’accueillir subitement des milliers d’étrangers fait simplement peur. Pour Bartlomiej Zdaniuk, politologue à l’Université de Varsovie, « Si nous obligeons tous les Etats membres à accepter un nombre de migrants, en fait nous ouvrirons les frontières. Et dans ce cas, il faut s’attendre à d’autres vagues de migrants qui vont se dire : pourquoi pas nous aussi ? »

Mais, il ne s’agit pas seulement de la peur d’être submergé par les étrangers. Il y a aussi un agacement de voir les réfugiés du Moyen-Orient et de l’Afrique traités mieux que ceux qui veulent ou qui risquent de vouloir fuir les guerres à l’est de l’Europe, comme l'explique  Bartlomiej Zdaniuk : « En Pologne, on se pose des questions. Nous appliquons depuis plusieurs années des règles draconiennes imposées par l’UE en ce qui concerne les ressortissants de l’Ukraine, de la Biélorussie, de la Russie, de la Moldavie, qui ont besoin de visas et qui doivent attendre dans des queues devant les ambassades pour solliciter un visa, et en même temps nous ouvrons nos portes aux gens qui viennent comme ça de la Syrie ou de la Libye. »

Il reconnait par ailleurs le cas spécifique syrien : « Bien évidemment, il y a aussi la situation bien connue en Syrie avec l’organisation Etat islamique, et nous en sommes parfaitement conscients. Mais je pense qu’à long terme, la solution c’est tout simplement de s’engager dans ces pays d’où viennent les ressortissants et de contribuer à améliorer la situation là-bas pour que ces gens-là ne soient pas obligés de quitter leur pays ».

Traiter le mal à la source ? Certes, mais dans l’immédiat des dizaines de milliers de personnes en détresse arrivent en Europe, et celle-ci se voit obligée de réagir en urgence.

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