Migrants: de la galère budapestoise à la bienveillance munichoise

Quelque 3 650 migrants sont arrivés à Vienne par le rail, lundi 31 août. Il s'agit du record annuel sur une journée, selon les autorités autrichiennes. Il s'explique par le fait que la Hongrie a renoncé à retenir les milliers de migrants qui campaient dans ses gares, malgré l'absence de visas de bon nombre d'entre eux. Les personnes qui espéraient faire de même le lendemain ont ensuite été chassées de la gare, tandis qu'un train ayant pu rejoindre Munich, dans le sud-est de l'Allemagne, a été accueilli par une distribution de nourriture.

A Vienne, lundi 31 août, lorsque le train entre en gare, aucun migrant ou presque n'en sort. La police autrichienne aide les passagers hongrois et autrichiens ainsi que les touristes à s'extraire des wagons. Parmi eux, une jeune fille qui fait régulièrement le voyage entre Budapest et Vienne. Elle travaille à la grande gare centrale de la capitale autrichienne, où elle est vendeuse dans un magasin. A Budapest, elle était déjà installée dans la rame avec une collègue quand elle a vu des centaines de migrants tenter, tout à coup, de rentrer eux aussi dans le train, raconte-t-elle à notre correspondant à Vienne Blaise Gauquelin.

Pas de retour en arrière

La jeune fille estime que 95 % de ces migrants étaient des hommes âgés de moins de 30 ans. « Ensuite, on est partis, mais on est restés bloqués près de quatre heures à la frontière entre la Hongrie et l'Autriche, poursuit-elle. Personne n'est venu s'occuper de nous, c'est complètement dingue ! Les migrants essayaient de nous intimider pour qu'on ne dise rien et on était toutes seules, personne n'est venu, la police hongroise n'est pas venue une seule fois, jusqu'à notre arrivée à Vienne. »

La police autrichienne, elle, est là, mais elle ne semble pas trop savoir quoi faire. Le train repart avec beaucoup de retard pour Munich. Car la plupart des migrants ne veulent pas rester en Autriche dès lors qu'ils ont enfin pu quitter la Hongrie et les Balkans. D'autant que ce mardi matin, ceux qui n'avaient pas pu quitter Budapest et affluaient pour monter dans les trains suivants en direction de l'Autriche et de l'Allemagne étaient expulsés de la gare par des centaines de policiers hongrois. Et les haut-parleurs de lancer : « Aucun train n'arrivera ni ne partira de la gare de Keleti jusqu'à nouvel ordre. Nous demandons à tout le monde de quitter les lieux. »

Un discours fort

Une fois franchies l'étape balkanique et la Hongrie, les migrants pensent pouvoir rejoindre l'Allemagne facilement. Un sentiment nourri par les propos forts que la chancelière Angela Merkel a tenus dans son discours de rentrée lundi. Elle y a dénoncé vigoureusement ceux qui rejettent les nouveaux arrivants. « Nous rejetons ceux qui, avec leurs paroles de haine, appellent à manifester. Il n’y a aucune tolérance à avoir envers ceux qui mettent en cause la dignité d’autrui. Ne suivez pas ceux qui organisent ces manifestations. Ils ont des préjugés, et sont motivés par le rejet de l’autre et même la haine. Gardez vos distances avec ces gens-là », a-t-elle exhorté.

La chancelière allemande a ensuite rendu hommage à ceux qui, parmi ses concitoyens, s’engagent pour les arrivants : « Notre pays reste un bon pays, a dit Mme Merkel. Je suis fière de voir combien sont ceux qui s’engagent pour accueillir les réfugiés. Ils sont beaucoup plus nombreux que ceux qui les rejettent, a salué Angela Merkel. Quand autant de personnes sont prêtes à tout sacrifier pour réaliser leurs rêves en Allemagne, cela ne donne pas de nous une mauvaise image. Le monde nous considère comme un pays porteur d’espoirs et de chances. Et cela n’a vraiment pas toujours été le cas. »

Arrivés à Munich

Lundi soir et mardi matin, en Bavière, cet appel a trouvé un écho. Des scènes de bienveillance, voire de liesse, ont eu lieu lors de l'arrivée de plusieurs centaines de réfugiés syriens en gare de Munich, rapporte notre correspondant en Allemagne Pascal Thibaut. Les arrivants ont été accueillis par des Allemands qui leur ont distribué boissons et nourriture. Certains ont été immédiatement enregistrés sur place ; d'autres ont été conduits dans des bus dans des centres d'hébergement. Les autorités s'attendaient à l'arrivée d'autres réfugiés par le train, mais soulignent qu'ils sont 500 chaque jour à rejoindre la Bavière par ce biais.

Les derniers arrivants, empêchés dans un premier temps de quitter la Hongrie, revêtent une portée symbolique. Leur venue par le train rappelle celle de réfugiés est-allemands à l'été 1989 peu avant la chute du Mur de Berlin. Beaucoup de Syriens veulent gagner l'Allemagne, sachant que le pays accueille de nombreux demandeurs d'asile et notamment beaucoup des leurs. La déclaration d'Angela Merkel, qui avait annoncé la semaine passée qu'aucun Syrien ne serait plus renvoyé dans un autre pays de l'Union européenne, a rendu l'Allemagne encore plus populaire. Certains réfugiés syriens ont écrit des lettres d'amour à la chancelière, qui a reconnu que son appel avait provoqué « une certaine confusion ».


 ■ Contrôles renforcés

A pied, en vélo, en train ou en voiture, tous les moyens sont bons pour franchir les frontières européennes, avec des passeurs qui n’hésitent pas à mettre en danger la vie des réfugiés. La découverte de 71 cadavres de migrants en décomposition dans un camion stationné dans l’état du Burgenland, près de la frontière hongroise la semaine dernière, a déclenché un renforcement des contrôles non pas aux douanes, mais au cœur de la circulation par les forces de l’ordre hongroises, slovaques, autrichiennes et allemandes.

Résultat, des bouchons monstres sur l’autoroute A1 reliant Budapest à Vienne. Jusqu’à 50 kilomètres d’étranglement ont été constaté lundi au niveau de la frontière autrichienne. Chaque camion, fourgon ou voiture est passé à la fouille, ce qui a permis la découverte par les policiers de 12 migrants – 9 adultes et 3 enfants – entassés dans une fourgonnette portant une plaque d’immatriculation française.

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