La sécurité dans les trains est au centre des discussions, au surlendemain de l’attaque déjouée vendredi 21 août dans le train Thalys reliant Amsterdam à Paris. Bernard Cazeneuve, ministre français de l'Intérieur, a lancé samedi un appel à la plus grande vigilance sur tout le réseau ferré, annonçant avoir alerté les préfets sur la nécessité de mettre en œuvre « les principes de vigilance et de surveillance des gares et de leurs abords sur l’ensemble du territoire national déjà décidé dans le cadre du plan Vigipirate ». Il a également assuré être « en contact permanent avec (ses) homologues ministres de l’Intérieur des pays voisins ayant des liaisons ferroviaires transfrontalières avec la France, afin de renforcer les dispositions déjà prises relatives à la sécurité dans ces trains. »
Charles Michel veut amender Schengen
Mais pour Charles Michel, Premier ministre belge, cette « attaque terroriste » est la conséquence des limites de l'ouverture des frontières sur le continent européen. Il plaide pour davantage de surveillance et de collaboration en matière de police et de renseignement. « En Europe, il n’y a pas encore suffisamment d’échanges d’informations sur la base des règles européennes concernant le transport de voyageurs », juge le chef du gouvernement belge, qui propose une réunion d’urgence sur cette question entre la Belgique, la France, l’Allemagne et les Pays-Bas.
Charles Michel, membre du Mouvement réformateur belge (libéral de centre droit), propose d’amender le principe de liberté de circulation des personnes au sein de l’espace Schengen. « On voit bien que l’espace Schengen permet la libre circulation et est évidemment un bienfait pour le développement économique, pour la liberté de circuler de tous ceux qui ont des bonnes intentions. Mais cette liberté de circulation est aussi utilisée dans le but de nuire par ceux qui ont de mauvaises intentions », juge-t-il. En conséquence, il convient désormais de « prendre des initiatives », estime Charles Michel, qui cite les mesures prises en Belgique ces derniers mois : « L’armée dans les rues, le renforcement des moyens, le renforcement de l’arsenal législatif… On va devoir continuer. »
« Rétablissement des frontières » et « arrêt de l'immigration »
Dans le paysage politique français, c’est du côté de la droite et de l'extrême droite que l’on trouve les plus fervents partisans d’un tel amendement des principes de la libre circulation des personnes au sein de l’espace Schengen. Jacques Myard, député Les Républicains, juge que « l'hydre du terrorisme est bien désormais une 5e colonne au cœur de la France et de l'Europe » et se saisit de l’attaque pour exiger une série de mesures, parmi lesquelles le « rétablissement des contrôles à toutes les frontières » et l’« arrêt de toute nouvelle immigration ».
Le tireur du Thalys, Ayoub el-Khazzani, ressortissant marocain, était détenteur d’une carte de séjour délivrée en Espagne lui permettant de se déplacer librement dans les pays de l'espace Schengen. L’homme était aussi fiché par les services de renseignement espagnols comme appartenant à la mouvance islamiste radicale. Il faisait l’objet d’une fiche S (sûreté de l’Etat) à la Direction générale de la sécurité intérieure française (DGSI), avec pour objectif de « pouvoir le repérer dans le cas de son éventuelle venue sur le territoire national », a précisé Bernard Cazeneuve.
Renforcement sécuritaire : des annonces peu réalistes ?
Le Premier ministre français, Manuel Valls, a pour sa part annoncé la mise en place d’un « numéro national de signalement des situations anormales » à destination des voyageurs, pour tenter de prévenir des attaques de ce type sur le territoire français. Un proche du Premier ministre, le sénateur-maire PS d’Alfortville, Luc Carvounas, a pour sa part plaidé, sur le réseau social Twitter, pour la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire, afin de « proposer de vraies mesures de sécurité aux passagers de la SNCF ». « Après l'attentat, nous devons sécuriser les voyageurs à bord de chaque train comme pour les vols aériens quel que soit le coût », affirme l’élu socialiste.
« La question d'étendre le système des aéroports aux gares, aujourd'hui, on ne peut pas dire que c'est réaliste », a pour sa part estimé Guillaume Pépy, président de la SNCF, mettant en avant le nombre de voyageurs, 20 fois supérieurs sur les rails que dans les airs. Des doutes que partage aussi Louis Caprioli, ancien responsable de la lutte antiterroriste à la DST (Direction de la surveillance du territoire, incorporée depuis dans la DGSI).
« On focalise actuellement sur le Thalys. Mais les terroristes savent que sur Eurostar, ils ne peuvent pas y aller, donc ils n’y vont pas. Si l’on fait des contrôles sur le Thalys, et bien ils ne vont pas prendre le Thalys, et puis c’est tout », juge l’expert au micro de RFI. Pour lui, dès lors, ces terroristes « vont venir en voiture en France et vont aller mitrailler les trains de banlieue. Ils vont aller mitrailler le TGV Paris-Lyon, le Paris-Marseille. Voilà la vérité de ce qu’il va se passer. » Et de conclure qu'on « ne peut pas, chaque fois qu’il se passe un incident, dire : " On va prendre des mesures " », avant de plaider pour « prendre un peu de recul ».
■ Thalys défend son personnel face aux attaque d'Anglade
Dans les heures qui ont suivi l’attaque déjouée de vendredi, une polémique est née également sur le rôle des agents Thalys, accusés par l’acteur français Jean-Hugues Anglade, qui était à bord du train, de n'avoir rien fait pour protéger les passagers. Dans une interview à Paris Match, l’acteur accuse les agents de la rame de s'être cachés et enfermés pour se protéger et d'avoir abandonné les passagers du train à leur sort.
Un récit qui ne correspond pas à la réalité, selon la directrice de Thalys, Agnès Ogier. « Un des deux contrôleurs s’est retrouvé vraiment sous les balles. Il a pris avec lui cinq ou six passagers. Il les a amenés dans le fourgon, qui est un espace qu’on peut fermer, et là il a tiré la sonnette d’alarme. Donc, il y a eu plusieurs signaux d’alarme qui ont permis de dire au conducteur ce qui était train de se passer et lui demander de se rendre à Arras », affirme-t-elle.
Le président de la SNCF, qui est co-gestionnaire de Thalys, a annoncé qu'il rencontrera l'acteur pour évoquer ses accusations. Guillaume Pépy a par ailleurs annoncé que le numéro spécial annoncé par Manuel Valls sera mis en place à partir du 1er septembre. Une quarantaine de personnels de la SNCF seront mobilisés pour répondre aux appels.