Pertes militaires russes: même en temps de paix, rien ne va filtrer

La Cour suprême russe a donné la semaine dernière son aval à un décret du Kremlin apposant le sceau du secret d'Etat sur les pertes militaires en temps de paix.

De notre correspondante à Moscou,

Le décret a été signé fin mai par le président Vladimir Poutine, effectif le jour même de sa signature. Par le passé, seules les pertes militaires en temps de guerre étaient tenues secrètes. Désormais, les informations relatives à la perte de personnel en temps de paix dans des opérations spéciales sont également classées secret défense.

La loi parait rédigée sur mesure pour empêcher la divulgation d’informations sur la présence de soldats de l’armée régulière russe dans le Donbass, aux côtés des séparatistes. Après une longue année de combats entre rebelles pro-russes et forces armées de Kiev, et malgré un grand nombre de témoignages et de rapports, Moscou continue de nier la présence de ses soldats sur le territoire ukrainien, alors que des dizaines d’entre eux ont été rapatriés dans des cercueils.

Des funérailles passées sous silence

Et très peu d’informations filtrent à leur sujet. Les premiers convois de cercueils de zinc ont été repérés et décrits par la presse russe indépendante à l’été dernier, au moment des grandes batailles qui se soldaient par des dizaines de morts de part et d'autre. Mais les médias pro-Kremlin n’ont jamais fait état de ces convois secrets qui traversaient de nuit la frontière entre l'Ukraine et la Russie. Pas plus qu’ils n’ont diffusé de sujets sur les enterrements militaires discrets dans plusieurs villes russes.

Les journalistes indépendants avaient eu le temps, eux, de trouver des tombes fraîches de soldats morts durant l’été alors qu’ils étaient censés accomplir des manœuvres dans le sud de la Russie avec tout leur régiment. Mais les tombes ont rapidement été privées de noms, tandis que les proches des soldats morts cessaient toute communication avec les médias, vraisemblablement subissant une pression de la part des services de sécurité.

La Russie n’est pas en guerre officiellement, et la propagande travaille inlassablement à entretenir cette illusion. Pas de guerre, pas de morts. Et puisqu'on ne les voit jamais à la télé, ils n’existent pas pour 80 % de la population qui s’informe, via les canaux médiatiques contrôlés par l’Etat. Par ailleurs, ceux qui admettent qu’il y a une guerre, une « sale guerre » même, ceux-là ont tendance à soutenir la politique de Poutine a l’égard de Kiev et du Donbass. C’est-à-dire que les soldats morts deviennent tacitement des héros tombés au combat au nom d’une juste cause.

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