Sensation au Royaume-Uni, le radical Corbyn peut-il rafler le Labour?

Il y a trois mois, le leader du Parti travailliste britannique Ed Miliband échouait lourdement aux législatives, battu par le Premier ministre conservateur David Cameron. Désormais, les sympathisants du Labour cherchent un successeur à M. Miliband à la tête du parti, à l'occasion d'une primaire. Et le vote, qui commence ce vendredi 14 août et s'étirera sur un mois, pourrait déboucher sur une surprise : Jeremy Corbyn, un candidat très à gauche et antimonarchiste. Il caracole en tête du dernier sondage.

Il y a deux mois, personne ou presque n'avait entendu parler de Jeremy Corbyn. Le député de 66 ans, élu du quartier londonien d'Islington, est un vieux cacique prônant la renationalisation de pans entiers de l'économie. Radical, il a été de tous les meetings de gauche et n'a jamais accepté le virage centriste réalisé par Tony Blair à la fin des années 1990. Antimonarchiste, antiaméricain, il incarne un Parti travailliste qu'on croyait presque disparu, analyse notre correspondant à Londres Eric Albert.

Lorsqu'il s'est lancé, M. Corbyn a rencontré des difficultés pour réunir les 35 parrainages nécessaires à sa candidature. Mais s'il était comparé à une mode « vintage » au début, son succès est désormais pris très au sérieux dans le pays, comme celui des nouveaux partis populaires Podemos en Espagne, ou Syriza en Grèce. Ce sont pourtant les autres candidats à la primaire qui ont incité le cacique à se présenter presque par défaut. Ils pensaient qu'il n'aurait aucune chance, mais qu'il fallait animer le débat. Résultat : selon le dernier sondage, Jeremy Corbyn réunit maintenant la moitié des sondés, 53 %, soit deux fois plus que son plus proche adversaire.

Tony Blair monte au créneau

La surprise est énorme. Dans la course, Andy Burnham, un proche de l'ancien leader Ed Miliband, se retrouve deuxième, à seulement 21 %. Vient ensuite Yvette Cooper avec 18 %. Quant à Liz Kendall, qui revendique l’héritage de Tony Blair, elle se retrouve loin derrière, à 8 %. M. Corbyn peut de surcroît compter sur le soutien des syndicats, éreintés par le pouvoir conservateur et qui réclament une vraie politique de gauche. Avec un discours qui tranche le ton policé et politiquement correct de ses adversaires, il crée l'enthousiasme. Le nombre de militants qui se sont inscrits au Labour a d'ailleurs plus que doublé.

Il reste encore un mois avant la fin du vote et le résultat est loin d'être garanti, mais le Parti travailliste est soudain en train de redécouvrir que le Royaume-Uni est rempli de militants de gauche qui ne demandent qu'à s'exprimer. M. Corbyn ne fait cependant pas l'unanimité : l’inquiétude est même palpable au sein de l’aile libérale du Labour. « Le Parti travailliste risque un " anéantissement " s'il porte à sa tête Jeremy Corbyn », écrit l'ancien Premier ministre Tony Blair dans une tribune publiée jeudi 13 août par le quotidien The Guardian.

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