Avec notre correspondante à Londres, Muriel Delcroix et notre envoyée spéciale, Béatrice Leveillé
Au Royaume-Uni, les résultats qui continuent à tomber au compte-gouttes sont en train de confirmer les estimations de sortie des urnes : le Parti conservateur est en passe d’arriver en tête du scrutin, décrochant au passage une inespérée majorité absolue, selon une dernière projection de la BBC. L’autre gagnant, c’est le parti indépendantiste SNP, qui rafle 56 sièges sur les 59 en jeu pour l’Ecosse - les résultats étant là définitifs -, notamment ceux de poids lourds travaillistes comme Jim Murphy, le chef du Labour en Ecosse et Douglas Alexander, battu après 18 ans d’hégémonie par une jeune candidate de 20 ans Maihri Black.
Un paysage politique chamboulé
Le Scottish national party est la révélation de ces élections avec une campagne très efficace, menée par sa nouvelle dirigeante Nicola Sturgeon, qui n’était même pas candidate pour ce scrutin. On a ainsi vu une véritable « Sturgeon-mania » fleurir en Ecosse, tandis que les tories la diabolisaient et que le travailliste Ed Miliband tentait, lui, désespérément, de prendre ses distances chaque fois que Nicola Sturgeon lui offrait l’aide de son parti pour former un front anti-conservateur. Pour l’ancien chef du SNP, Alex Salmond, élu député, « le lion écossais a fait entendre un extraordinaire rugissement à travers le pays ».
La nuit s’est avérée en revanche désastreuse pour le Labour et les libéraux-démocrates. Le chef des travaillistes a reconnu, ce vendredi, « une nuit très décevante » pour son parti. Après cinq ans de rigueur budgétaire et d'accentuation des inégalités au Royaume-Uni, c'est une défaite personnelle pour Ed Miliband qui pourrait démissionner de son poste à la tête du Labour. Les « lib-dem », eux, ont été décimés et n’ont pour l’instant que six sièges dont celui de son dirigeant Nick Clegg qui est tout juste parvenu à se maintenir à Sheffield Hallam.L'homme a d'ailleurs laissé entendre qu'il pourrait démissionner de ses fonctions à la tête du parti après une « nuit cruelle et punitive ».
Dans l’ensemble, ce scrutin révèle une révolte des électeurs contre la classe politique de Westminster : on le voit à travers le raz-de-marée pour le SNP en Ecosse. Le parti europhobe et populiste Ukip de Nigel Farage - même s’il n’a pour l’instant qu’un député, Douglas Carswell réélu à Clacton - fait aussi de bons scores en Angleterre en arrivant second dans des bastions conservateurs ou travaillistes. Cependant, l'échec du leader populiste à entrer à Westminster est un coup dur pour son parti.
Une « bonne nuit pour les Tories »
Si la tendance se poursuit en tout cas, le Premier ministre sortant David Cameron devrait pouvoir se maintenir à Downing street avec le choix de reformer une coalition avec le peu de députés libéraux-démocrates élus ou bien carrément de former un gouvernement soutenu par les seuls Tories. David Cameron s’est exprimé ce 8 mai. Il a parlé d’une « bonne nuit pour les Tories » et a promis de gouverner pour tout le monde. Mais surtout, il aura la possibilité d'organiser en 2017 son référendum sur la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne.
Dans le centre de Londres les conservateurs ne cachent pas leur joie même si certains comme cette électrice ont hésité avant de mettre leur bulletin dans l’urne : « Je suis très contente que Cameron ait gagné mais je ne suis pas d’accord avec toute sa politique, donc ça a été une décision difficile à prendre ».
Les Londoniens ont voté en majorité pour les travaillistes, et, pour la plupart d’entre eux ce résultat est un choc : « Je suis surprise, on disait au cours de ces dernières semaines qu’aucun parti n’aurait la majorité, donc le fait que les conservateurs ont la majorité est inattendu et je m’inquiète pour l’Europe ».
Les libéraux-démocrates abattus
De leur côté, les supporters des libéraux-démocrates comme ce jeune homme qui se rend à son travail sont abattus, la large victoire de leurs alliés conservateurs les inquiète plus qu’elle ne les rassure : « Ils ont été remerciés pour la bonne gestion de l’économie ; ils ont réussi à faire passer le message qu’ils avaient sauvé l’économie et l’ont mis sur les rails alors qu’à mon sens ça va avoir un effet désastreux sur les gens qui ont des petits revenus ou des revenus moyens ».
Le leader des Tories se présente au palais de Buckingham devant la reine Elizabeth II à 11 h 30 TU ce vendredi pour recueillir son assentiment formel en vue de former le prochain gouvernement.