C’est sans doute la première fois que ce genre d’histoire, souvent racontée, est aussi clairement documenté, rapporte notre correspondant à Istanbul, Jérôme Bastion. Dans les eaux tranquilles entre la côte turque et les îles grecques du Dodécanèse, au petit matin, deux pêcheurs turcs repèrent un canot gonflable qui progresse entre la presqu’île de Çesme et l’île de Chios toute proche. Une scène courante en cet été où le nombre de passages de clandestins bat tous les records.
La scène a été filmée
Surchargée, l’embarcation dépasse à peine de la surface de l’eau. Les pêcheurs filment l’approche d’une vedette des garde-côtes grecs, et s’étonnent de la voir entrer dans l’espace maritime turc. « La vedette grecque ne peut quand même pas venir jusqu'ici ! -si on dirait bien... – Comment cela ? Mais ce sont les eaux turques ! »
Les deux marins turcs filment les garde-côtes grecs en train de piquer une longue perche dans un boudin du canot, dont tout un côté se dégonfle. «Ismaïl, regarde, ils ont crevé le canot avec une gaffe ! Maintenant les passagers sont dans l'eau ! »
Les pêcheurs sont à quelques encablures de la vedette grecque, et craignent même d’être à leur tour attaqués mais le bateau des garde-côtes repart à vive allure vers l’île de Chios. Tout en continuant à filmer, les pêcheurs turcs se portent au secours des 47 naufragés, pour moitié en train de se débattre dans la mer. Ils appellent à l’aide en arabe. Faute de place, les pêcheurs ne peuvent embarquer que les femmes et les enfants. Puis arrivent les garde-côtes turcs, qui ramèneront à terre les miraculés, identifiant 35 ressortissants syriens et 12 Irakiens, sauvés in extremis de la noyade.
Sur l'île grecque de Kos, ceux qui ont pu débarqer attendent de l'aide
Hier, jeudi, des centaines d’autres réfugiés ont encore débarqué sur les plages de l'île de Kos, rapporte notre envoyé spécial sur cette île, Daniel Vallot. Mais la précarité, les difficultés d'installation pour ces hommes, ces femmes et ces enfants, sont quelque peu atténuées par des améliorations en termes d’accueil et de prise en charge. L’envoi de renforts policier et administratif depuis Athènes commence en effet à porter ses fruits. Les scènes de violence et les débordements qui ont éclaté sur l’île en début de semaine n'ont plus cours. L’enregistrement des réfugiés syriens, notamment dans le petit stade de la ville, se fait plus rapidement, plus efficacement, et les autorités ont également prévu des distributions d’eau et de nourriture pour éviter les problèmes sanitaires et médicaux qui s’étaient posés précédemment.
Météo clémente
Mais tout n’est pas résolu, loin de là, en premier lieu parce que les migrants venus de Turquie continuent d’arriver toutes les nuits sur les plages de Kos. La météo plutôt clémente ces derniers jours et notamment l’absence de vent, facilitent la traversée et encourage donc les migrants à tenter leur chance. D'autre part, il n'existe pas sur l'île de structures d’hébergement capables d'accueillir ces migrants, contrairement aux autres îles grecques du Dodécanèse.
Des milliers de migrants continuent de dormir dans les rues, le long des plages, dans les jardins publics, dans des conditions très difficiles pour un grand nombre d’entre eux. Des conditions dénoncées par les ONG qui travaillent sur place et qui demandent l’ouverture d’un centre d’hébergement pour ces réfugiés. La réponse du gouvernement grec a été d’annoncer l’arrivée d’un bateau capable d’accueillir plus de 2 000 personnes. Ce bateau, disent les autorités, doit arriver dans le courant de la journée sur l’île de Kos.
Le maire de Kos a appelé à des « mesures extraordinaires pour, a-t-il dit, une situation extraordinaire ».