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Avec notre bureau à Bruxelles et notre envoyé spécial à Athènes, Romain Lemaresquier
Les créanciers de la Grèce (FMI, UE, BCE) analysent depuis ce vendredi matin les propositions de réformes économiques soumises par la Grèce. Selon une source européenne citée par l'AFP, ils jugent « positive » la nouvelle proposition d'Athènes y voyant « une base de négociation » en vue d'un troisième plan d'aide. Cette même source indique que ce nouveau plan d'aide portera sur 74 milliards d'euros.
Mais les mesures présentées doivent également faire l'objet d'un vote au sein même du Parlement grec. Or celles-ci sont loin de satisfaire toutes les composantes de la majorité gouvernementale.
Une session plénière extraordinaire a débuté en début de soirée, avec plus de deux heures de retard, à la suite de la tenue d’une réunion de quatre commissions qui a duré plus que prévu. Les commissions des Finances, des Affaires sociales, de la Productivité et de l’ordre public de la Justice et de l’Administration devaient rendre leur avis avant la session.
Le Premier ministre a finalement pris la parole peu avant minuit. Il a admis « des erreurs », concédant que son projet d'accord était « loin » des promesses avancées par son parti pendant la campagne, mais le meilleur possible. Il a annoncé qu'Athènes remboursera à la BCE 6,8 milliards d'obligations arrivant à échéance en juillet-août. Alexis Tsipras a appelé les députés à un vote de « responsabilité nationale » pour « maintenir le peuple en vie ».
Des débats qui risquent de durer
Les 300 députés de l’hémicycle débattent du contenu des propositions du gouvernement d’Alexis Tsipras. Des débats qui risquent de durer. Selon certains parlementaires, le vote sur ce paquet de réformes ne devrait pas intervenir avant demain matin. Le texte devrait passer, toujours de source parlementaire, même si une grande partie des membres de Syriza, le parti du Premier ministre, devrait voter contre, tout comme les députés du Parti des Grecs indépendants qui participent à la coalition au pouvoir.
Le texte sera certainement adopté grâce aux voix de l’opposition. En tout cas, ici, au Parlement grec, on s’attend à une longue nuit, des débats agités, avant une éventuelle adoption de ces nouvelles mesures d’austérité.
Quelle stratégie pour Alexis Tsipras ?
Auréolé de la victoire du « non » au référendum, Alexis Tsipras n’en a pas moins conscience que sa marge de manœuvre avec les instances européennes est des plus limitées. Ses propositions de réformes, risquent d’alimenter le ressentiment de la composante eurosceptique de son parti Syriza. Mais les démissions ou les exclusions attendues pourraient avoir, à l’inverse, pour effet de recomposer une majorité gouvernementale plus cohérente. Car si Alexis Tsipras accepte des concessions majeures, c’est avant tout, pour tenter de sauver une économie asphyxiée. L’objectif premier est d'obtenir de l'argent frais et de rétablir le fonctionnement normal du système bancaire, ce qui sera possible en cas d'accord.
Le Premier ministre grec cherche par ailleurs à gagner du temps pour mener des réformes en profondeur. C’est d’ailleurs un plan en trois ans qu’il a présenté, avec au programme l'amélioration des recettes fiscales, une meilleure justice sociale et la lutte contre l'oligarchie. S’il parvient à les mettre en œuvre, la pilule de l’austérité pourrait être un peu moins amère.
Les nouvelles propositions transmises par le gouvernement grec ressemblent fort à celles que les électeurs grecs ont pourtant massivement rejetées dans les urnes. Mais en adoptant cette position d’équilibriste, le Premier ministre grec a fait évoluer le rapport de force en sa faveur sur la scène européenne. En reprenant les mesures des créanciers, Alexis Tsipras espère aussi les faire plier sur la question de la restructuration de la dette à long terme. Sur ce point, la partie n'est pas encore gagnée : Wolfgang Schäuble, l’intransigeant ministre allemand des Finances dit entrevoir « très peu de marge de manœuvre » sur ce point.
Net optimisme au niveau européen
Néanmoins, une issue positive semble désormais possible car pour la première fois depuis deux mois, au niveau européen, on ne parle plus de réunion de la dernière chance. Du côté des capitales, il y certes a une prudence très sensible en Allemagne, on l'a vu, mais on constate un net optimisme en France, en Italie, ou encore en Autriche. À Bruxelles, ça reste compliqué parce que depuis ce matin les experts décortiquent point par point les propositions grecques.
Mais ce qui est certain, c’est qu’elles répondent aux demandes des créanciers, que ce soit sur la TVA pour les îles, les excédents budgétaires, les retraites, ou la taxation des armateurs. Du coup, l’accueil a été plutôt favorable et certains ici estiment de très bon augure la tenue de la téléconférence de Jeroen Dijsselbloem ce vendredi avec Mario Draghi, Christine Lagarde et Jean-Claude Juncker.
Il doit en sortir une première évaluation politique qui ouvrirait la voie à la réunion des 19 ministres des Finances de l’Eurogroupe, qui se pencheront sur ce dossier ce samedi. Ils pourraient, s’ils sont satisfaits des avancées, décider de l’ouverture de négociations pour le troisième plan d’aide. Et l’optimisme est tel ici que les rumeurs affirment que le sommet européen de dimanche ne serait plus nécessaire.