Le compte à rebours est lancé pour la Grèce. La grande majorité des ministres des Finances de la zone euro sont apparus très déçus, mardi à l'issue de leur réunion, de ne pas avoir reçu des propositions concrètes de la part d'Euclide Tsakalotos, le nouveau ministre grec des Finances. C'est ce que rapporte notre envoyée spéciale à Bruxelles, Dominique Baillard.
Le gouvernement Tsipras doit rapidement présenter une demande officielle pour un nouveau plan de sauvetage assorti de promesses de réformes. C'est ce qu'attendent ses partenaires européens. Ensuite, d’ici la fin de semaine, les créanciers valideront ou non ces propositions. S’ils donnent leur feu vert, un sommet de l’Union européenne sera convoqué dimanche. Il pourrait déboucher sur un accord global pour la Grèce.
Cela signifierait un nouveau plan sur deux ou trois ans, plus une aide d’urgence immédiate et sans doute une déclaration sur le « reprofilage » de la dette grecque, la nouvelle formule politiquement correcte pour évoquer une restructuration, réclamée depuis le début par Alexis Tsipras. C’est le scénario préféré de la France, qui apparait bien seule à voir encore le verre à moitié plein parmi les pays européens.
La Commission se prépare à un « Grexit »
Mais il pourrait aussi y avoir un rejet des propositions grecques. L’option du « Grexit » sera alors ouverte, prévient le président du Conseil européen. « L'heure est vraiment grave et nous ne pouvons exclure ce scénario noir si nous n'avons pas d'accord d'ici dimanche », a déclaré mardi soir Donald Tusk lors d'une conférence de presse à Bruxelles. « Ce soir, je dois dire haut et fort que l'ultime délai expire cette semaine », a-t-il ajouté d'un air solennel, évoquant « la période la plus difficile »de l'histoire de l'Union européenne et de la zone euro.
Plus incisif encore, Jean-Claude Juncker a annoncé que la Commission européenne se préparait au scénario du « Grexit ». « En dépit des assurances données, martèle-t-il, le gouvernement grec s'est montré incapable de nous présenter des solutions solides, précises et définitives. »
Et d'ajouter que « les Grecs pensaient que le résultat du référendum leur donnerait davantage de poids dans la négociation, mais c'est tout le contraire. Leur position [en] est fortement affaiblie. » Sur la restructuration de la dette grecque, le patron de l'exécutif européen s'est néanmoins montré plutôt favorable à une discussion, mais en octobre.
Enfin, une révélation : la Commission européenne aurait élaboré trois scénarios détaillés. Il y a celui d'un maintien de la Grèce dans la monnaie unique, celui de l'aide humanitaire à la Grèce, et celui de la sortie de la Grèce de la zone euro. Jean-Claude Juncker donne aux Grecs jusqu'à vendredi 10 juillet à 8h30 pour déposer leurs propositions. Ensuite, il « n'exclut désormais aucune hypothèse ».
Plan d'aide sur plusieurs années
De manière générale, beaucoup de pays européens se montrent toujours plus que réticents à venir en aide à la Grèce, après deux plans d'aide d'un montant total de 240 milliards d'euros et des mois de négociations houleuses avec le gouvernement d'Alexis Tsipras. Dans l'idéal, la Grèce a besoin d'un « programme d'aide sur plusieurs années, qui aille bien au-delà de ce que nous discutions il y a encore dix jours », estime cependant la chancelière allemande Angela Merkel.
« Il faut un programme à deux ans qui donne de la visibilité », renchérit le président français François Hollande, qui se veut encore optimiste quant à la signature d'un accord. Mais « il faudra aller vite, prévient-il, pour qu'il y ait pour l'ensemble du monde une zone euro capable de prendre une décision ».
Le chef de l'Etat a tenu une nouvelle fois à assurer que la France faisait tout ce qui est en son pouvoir pour aboutir à un accord « conforme à nos intérêts d'Européens, économiques, financiers [et] politiques ». Mais d'appeler tout le monde à ses responsabilités, les Grecs comme ses créanciers.
En attendant un éventuel nouveau plan d'aide, des solutions urgentes et à court terme seront nécessaires pour qu'Athènes puisse rembourser le 20 juillet la Banque centrale européenne, la dernière institution qui maintient en vie son économie par un goutte-à-goutte financier aux banques du pays.
La stratégie de Tsipras à Strasbourg
Alexis Tsipras entend exploiter au mieux sa présence ce mercredi matin à Strasbourg, analyse notre correspondant auprès des institutions européennes, Quentin Dickinson. Car depuis ses débuts de chef de gouvernement il y a six mois, il a régulièrement cherché à démontrer que la négociation doit s’évader des chiffres et autres détails techniques, qu'il juge subalternes, tout devant plutôt se passer au niveau politique, voire sur un plan philosophique.
Certes, il semble déjà avoir changé de ton depuis le référendum et la démission de son ministre des Finances Yanis Varoufakis. Terminé les invectives contre les créanciers ; il semble désormais conciliant, affirmant que son pays est déterminé à « faire un effort » pour obtenir un accord. Mais fort de sa victoire au référendum, il ne peut pas donner l’impression de se soumettre aux exigences des 18 autres chefs d’Etat et de gouvernement.
le Premier ministre grec entend sans doute ce mercredi matin garder la primeur de ses annonces et arguments pour les 751 députés européens et, au nom de la démocratie grecque, rendre compte aux représentants élus des peuples d’Europe. Ce jeu-là n’est cependant pas sans risque, parce que le Parlement européen ne lui réservera certainement pas une ovation unanime. De plus, il ne sera sans doute pas applaudi seulement par l’extrême gauche mais aussi par tout ce que le Parlement compte de nationalistes d’extrême droite et de populistes europhobes, trop ravis de l’aubaine.
Il faut voir les choses en face : si l’eurogroupe rejette les propositions d’Athènes, il parait inévitable que la Grèce sorte de la zone euro. Et ce, de façon désordonnée. L’économie grecque pourrait s’effondrer comme un château de cartes d’ici une semaine faute d’accord, ont dit mardi soir certains ministres. L’assistance de la Banque centrale européenne est maintenue jusqu’à dimanche. Après, les Européens ne répondent plus de rien.
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