Angela Merkel, tragédienne grecque

L’avenir de la Grèce se joue dans les prochains jours. Mais une actrice centrale de la crise de la zone euro joue également gros. La chancelière allemande veut parvenir avec ses partenaires à un compromis avec le gouvernement Tsipras. Mais cette solution doit lui permettre de ne pas heurter de front une opinion publique et les élus de sa majorité de plus en plus irrités par l’attitude d’Athènes.

De notre correspondant à Berlin,

« Si les responsables grecs y sont prêts, un accord reste possible ». Devant le Parlement allemand, ce jeudi 18 juin, Angela Merkel est restée ferme. La chancelière a clairement souligné que l’Europe avait fait preuve de solidarité avec Athènes ces dernières années mais que ce soutien devait aller de pair avec le respect des engagements pris et des réformes promises par la Grèce. En évoquant les pays qui comme le Portugal ou l’Irlande ont été soutenus ces dernières années par l’Europe et « ont saisi leur chance », Angela Merkel laissait entendre à mots couverts qu’Athènes n’avait pas su le faire.

Berlin est au centre des négociations actuelles qui doivent permettre, si un accord est trouvé, le versement d’ici la fin du mois d’une dernière tranche de 7 milliards d’euros à la Grèce dans le cadre du deuxième plan d’aide pour Athènes. Malgré les critiques affichées durant la campagne électorale puis après son élection par le gouvernement Tsipras contre l’Allemagne accusée d’être responsable de la politique qui serait imposée à la Grèce, Angela Merkel n’a pas perdu patience et ne s’est pas laissé provoquer. Après une première visite tardive du nouveau Premier ministre grec à Berlin, les échanges ont depuis été nombreux qu’ils soient téléphoniques ou directs, en bilatéral ou avec d’autres responsables européens dont François Hollande.

Exit Varoufakis, exit Schäuble

Comme en Grèce où le ministre des Finances Varoufakis est déssaisi du dossier, ce dernier est négocié à Berlin en direct par la chancellerie au détriment du ministre des Finances, Wolfgang Schäuble qui a fait des sorties plutôt rudes contre Athènes évoquant la perspective d’un Grexit, c'est-à-dire une sortie du pays de la zone euro.

Angela Merkel dont les positions depuis le début de la crise actuelle ont parfois été hésitantes semble aujourd’hui convaincue que la sortie de la zone euro de la Grèce constituerait un signal négatif pour l’Europe. Le parti chrétien-démocrate qu’elle dirige s’est toujours présenté comme le parti de l’Europe en Allemagne et des personnalités comme Konrad Adenauer ou Helmut Kohl ont laissé leur empreinte sur ces dossiers. Angela Merkel ne souhaite pas entrer dans les livres d’histoire comme celle qui aura été responsable du détricotage de l’œuvre que ces prédécesseurs ont contribué à forger.

Le Grexit envisagé par une majorité d'Allemands

Mais la chancelière ne peut pas accepter n’importe quel compromis pour des raisons de politique intérieure. Les Allemands sont majoritairement favorables à une sortie de la Grèce de la zone euro. La politique menée par le gouvernement Tsipras subit des critiques au vitriol ce qui a renforcé le sentiment ambiant d’une ingratitude foncière venue du Sud pour ceux qui contribuent à sauver le pays. Une position cultivée de façon très populiste par le quotidien à sensation « Bild Zeitung », le quotidien le plus lu d’Europe. Et pour une chancelière qui a les yeux rivés sur les sondages, l’opinion de ses électeurs n’est sans doute pas superflue.

Mais la quadrature du cercle à laquelle Angela Merkel est confrontée se complique encore un peu plus en raison des états d’âme toujours croissant de ses troupes. Lors du vote au début de l’année sur la prolongation du plan d’aides à la Grèce, une trentaine de députés chrétiens-démocrates, un record, a voté non. Plus grave en cas de nouveau vote, une centaine de parlementaires CDU qui ont accepté le dernier texte au début de l’année ont déposé à l’époque une déclaration soulignant qu’ils n’iraient pas plus loin. Le risque pour Angela Merkel en acceptant un compromis plus généreux pour Athènes est donc que la reine de l’Europe perde sur ses terres une partie de ses vassaux. A deux ans des prochaines élections, le résultat ne serait pas des plus favorables pour une chancelière qui reste aujourd’hui très populaire.

Des élus irrités par Athènes

Bien sûr, un nouveau vote obtiendrait une majorité, la grande coalition droite-gauche au pouvoir disposant de 80% des sièges au Bundestag. Mais chez les sociaux-démocrates également la patience et la compréhension à l’égard du gouvernement Tsipras battent de l’aile. « Nous rejetons le chantage », a déclaré il y a quelques jours le vice-chancelier et président du SPD Sigmar Gabriel à l’adresse d’Athènes. « Les salariés allemands et leurs familles ne paieront pas pour les promesses électorales exagérées d’un gouvernement auquel participent des communistes ».

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