Les Italiennes, nouvelles esclaves des champs du sud de l’Italie

On connait le problème, irrésolu, des migrants exploités comme des esclaves dans les régions du sud de l’Italie pour la cueillette des tomates et autres fruits. Mais on entend moins parler des Italiennes qui subissent de plein fouet la crise et sont contraintes d’accepter des conditions inhumaines pour gagner moins de 30 euros par jour en travaillant dix heures d’affilée dans les champs. Le quotidien La Repubblica vient de publier une enquête sur le sort de ces ouvrières agricoles. Dans la seule région des Pouilles, elles seraient plus de 40 000 à être sous-payées pour des travaux souvent harassants.

De notre correspondante à Rome

La région des Pouilles est peuplée d’un peu plus de 4 millions d’habitants et son économie repose essentiellement sur l’agriculture. C’est aussi l’une des régions les plus touchées par la crise en Italie, pays où il n’existe pas de revenu minimum. Selon les statistiques les plus récentes, on dénombre, dans cette région, 21,5% de chômeurs. Ce taux grimpe à 58% chez les actifs de 15-24 ans.

Parmi les sans-emploi, des milliers de femmes, souvent de jeunes mères de famille, n’ont pas d’autre choix que celui d’accepter d’être sous-payées. Elles sont particulièrement demandées pour la récolte des fraises et des cerises. Ce sont des fruits fragiles qui nécessitent des mains habiles, délicates. Pour la cueillette des fraises, un producteur explique qu’il n’embauche plus que des Italiennes car elles sont moins rebelles que les migrants et se prêtent plus à un travail qui nécessite de courber l’échine au moins 7 heures par jour durant la saison de la récolte.

La loi du silence

De village en village, d’autres femmes servent d’intermédiaires pour les embauches de ces travailleuses italiennes. Elles regroupent les demandes d’emploi puis donnent des listes de noms, avec numéro de téléphone à des contremaitres agricoles, les fameux « caporali » (caporaux). Ces derniers fournissent la main-d’œuvre aux patrons d’exploitations agricoles. Ils se rémunèrent en exigeant de la part de chaque ouvrière un tribut sur le transport, la nourriture, l’eau et bien sûr les gains quotidiens.

Selon les estimations de la CGIL, la Confédération générale italienne du travail, les femmes embauchées pour la cueillette des fraises sont payées environ 4 euros de l’heure. Si elles sont déclarées, elles le sont à mi-temps, qu’elles travaillent 10 ou 15 heures par jour dans les champs ou dans les entrepôts de conditionnement.

Les autorités sont bien conscientes de la situation, mais semblent impuissantes. Selon les données du ministère de l’Intérieur, en 2014 il y a eu 1 818 inspections dans les Pouilles et les inspecteurs du travail ont dénombré, en moyenne, moins de deux ouvriers agricoles en situation irrégulière pour chaque entreprise contrôlée... Donc d’une part, les inspections sont insuffisantes et trop superficielles. D’autre part, c’est la loi du silence qui règne car les femmes traitées telles des esclaves sont souvent des mères de famille pour qui il est impossible de renoncer à une vingtaine d’euros par jour.

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