Macédoine: pourquoi le bras de fer se poursuit dans la rue

La confrontation se poursuit entre le gouvernement nationaliste et l’opposition sociale-démocrate macédonienne. Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté lundi soir à Skopje leur soutien au Premier ministre Nikola Gruevski, une démonstration de force du camp du pouvoir au lendemain d'une journée de mobilisation de l'opposition de gauche réclamant sa démission. Les supporters de l’opposition qui campaient toujours lundi soir devant le siège du gouvernement.

Le facteur déclencheur des tensions déjà en février est un scandale impliquant le Premier ministre Nikola Gruevski et certains de ses ministres. Le chef du principal parti d’opposition, le social-démocrate Zoran Zaev, avait révélé des enregistrements de conversations qui semblaient mettre en lumière un contrôle étroit exercé par les autorités sur des journalistes, des magistrats, ainsi que sur des procédures électorales. Les mesures de surveillance auraient visé près de 20 000 personnes. Des opposants, mais aussi des alliés du pouvoir en place. Le chef du gouvernement n’a pas nié l’exactitude du contenu de ces enregistrements, mais a réfuté les avoir commandités.

L’auteur des fuites, Zoran Zaev, a depuis été poursuivi pour « violence contre l’Etat ». Mais l’opinion publique s’est retournée en grande partie contre le Premier ministre et sa démission est actuellement la principale revendication des manifestants. La centaine de tentes dressées depuis dimanche soir juste devant le siège du gouvernement est l’expression la plus directe et la plus visible de cette revendication.

Un complot visant à créer la panique ?

Mais le Premier ministre Nikola Gruevski ne semble pas du tout prêt à lâcher. Reconduit au pouvoir pour un mandat de quatre ans lors des législatives anticipées d’avril 2014, il a affirmé qu’il n’entendait aucunement démissionner. Offensif, il a ajouté, sans avancer de preuves, que des services étrangers se cachaient derrière l’opposition. C’est lui également qui avait convoqué ce lundi soir un grand rassemblement de ses sympathisants devant le siège du Parlement, alors que l’opposition continue de camper également dans le centre-ville à deux kilomètres de là.

Une situation qui renforce les soupçons de certains observateurs concernant un éventuel « complot » du pouvoir pour provoquer une confrontation ouverte avec l’opposition. Selon l’hebdomadaire Fokus, il s’agirait de répandre la panique dans la société puis, grâce à une opération policière réussie, de restaurer la confiance dans les institutions de l’Etat, ainsi que la position du Premier ministre. La semaine dernière, à Kumanovo, une opération qualifiée par le pouvoir d’« antiterroriste » a causé la mort de 22 personnes, dont huit policiers. Des commentateurs considèrent qu’il pourrait s’agir d’une première étape de la mise en œuvre du scénario guerrier évoqué par Fokus.

Discussions sous l'égide de l'UE et des Etats-Unis

Des négociations sont cependant en cours. Elles se déroulent sous l’égide et en présence de l’ambassadeur des Etats-Unis en Macédoine et du chef de la mission de l’Union européenne. Les puissances occidentales s’intéressent en effet vivement à la situation dans les Balkans, car de leur stabilité dépend en grande mesure celle de l’Europe. En même temps, la présence des Américains et des Européens à la table de négociations contribue sans doute à apaiser les tensions entre les parties et facilite le dialogue. Celui-ci a été entamé lors de la première réunion de ce type, jeudi dernier. La réunion de jeudi n’a donné que lieu qu’à des déclarations assez générales telles que : « Nous nous engageons à respecter les valeurs démocratiques ainsi que le droit à organiser des manifestations pacifiques ».

On ne connaît pas encore les résultats de la réunion de ce lundi avec la participation du Premier ministre et des chefs des principaux partis de la coalition gouvernementale et de l’opposition, mais de toute façon la poursuite des négociations dépendra largement de la situation dans la rue.

La Bulgarie se prépare à un afflux de réfugiés

Avec notre correspondant à Sofia,  Damian Vodénitcharov

La fusillade à Kumanovo, puis la crise politique en Macédoine ont poussé les autorités bulgares à prendre des précautions. En amont de la grande manifestation antigouvernementale du dimanche 17 mai, le gouvernement a pris de sérieuses mesures à la frontière entre les deux pays. Des unités de l'armée y ont été dépêchées pour des exercices militaires, de même que le groupe spécialisé de lutte antiterroriste.

Le Premier ministre Boïko Borissov a par ailleurs annoncé que la Bulgarie était prête à accueillir ses ressortissants en Macédoine. Il s'agirait d'environ 90 000 personnes qui possèdent un passeport bulgare.

Au Parlement, la droite et la gauche se sont unies face à a crise pour appeler à un élargissement de l'Union européenne aux Balkans occidentaux et à une éventuelle adhésion de la Macédoine. Les élus estiment que cela permettrait à Skopje de résoudre ses problèmes internes, mais aussi d'endiguer les séparatismes dans les Balkans.

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