Macédoine: l’opposition défie le pouvoir dans les rues de Skopje

Ce dimanche, l’opposition macédonienne appelle à une grande manifestation, avec pour objectif d’obtenir la démission du Premier ministre Gruevski et la formation d’un gouvernement transitoire chargé de convoquer de nouvelles élections.

De notre envoyé spécial à Skopje,

Tout le monde, en Macédoine, s’attend à une mobilisation exceptionnelle, au terme de près de deux semaines de rassemblements quotidiens. L’opposition social-démocrate mobilise ses sympathisants de tout le pays, même si l’on redoute que le gouvernement essaie de limiter la convergence des manifestants vers la capitale.

Le gouvernement nationaliste conservateur de Nikola Gruevski fait peser un lourd climat de peur dans le pays. Bien souvent, les fonctionnaires n’osent pas se rendre aux manifestations, et même les entrepreneurs privés redoutent des contrôles fiscaux ou sanitaires s’ils montrent leurs sympathies pour l’opposition. Toutefois, il semble bien que cette chape de plomb soit en train de se fissurer.

Révélation sur révélation

Depuis le début du mois de janvier, le chef de l’opposition, Zoran Zaev, assène, jour après jour, d’accablantes révélations montrant comment le Premier ministre Gruevski et ses proches organisent la corruption et dirigent le pays en marge des institutions légales. Ces « bombes » reposent sur des enregistrements dans lesquels on reconnaît distinctement la voix des plus hauts dirigeants du pays. Nikola Gruevski accuse de mystérieux « services occidentaux » d’avoir communiqué ces enregistrements à l’opposition, mais il n’a pas remis en cause les faits révélés.

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Le 5 mai, l’enregistrement concernant le décès d’un jeune étudiant, battu à mort par la police en 2011, a provoqué un sursaut dans l’opinion. Des milliers de personnes sont descendues dans la rue. Cette manifestation a été violemment réprimée par la police, mais les rassemblements se poursuivent chaque jour à 18 heures - sans d’ailleurs que les manifestants n’accordent une grande confiance à l’opposition sociale-démocrate. Le seul objectif fédérateur est d’obtenir la démission de Nikola Gruevski.

Quid de l'impact des affrontements de Kumanovo ?

Reste à savoir si l’opération « antiterroriste », lancée la semaine dernière à Kumanovo, aura un impact sur la mobilisation. Sa violence et son accablant bilan de 22 morts ont profondément choqué l’opinion publique, rappelant bien sûr les mauvais souvenirs de 2001, quand le pays avait failli basculer dans la guerre civile. Mais les incohérences de la version officielle des événements renforcent, chez beaucoup, l’hypothèse d’une mise en scène par le gouvernement lui-même.

Dans sa dernière édition, l’hebdomadaire Fokus affirme que le gouvernement aurait engagé, en février dernier, une agence de communication française qui aurait conçu le scénario d’une opération nommée « La petite guerre » : il s’agissait de provoquer un scénario guerrier, pour répandre la panique dans la société puis, grâce à une opération de police réussie, restaurer la confiance dans les institutions de l’Etat.

Les événements de Kumanovo correspondent très exactement à ce scénario mais, si l’hypothèse d’un « storytelling » est confirmée, le moins que l’on puisse dire est qu’il n’a pas marché. D’ailleurs, deux jours après l’opération « antiterroriste », le puissant chef des services secrets et la ministre de l’Intérieure ont été poussés à la démission, révélant l’extrême fragilité du système de pouvoir mis en place par Nikola Gruevski.

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