Avec notre correspondant à Istanbul, Jérôme Bastion
Le Pinochet de Turquie, responsable d’une cinquantaine de peines capitales et de plusieurs centaines de morts par tortures, sans compter les nombreuses disparitions, n’avait alors pas affiché le moindre regret, ni le moindre remord : « J’ai fait ce qu’il fallait faire pour le pays, et si c’était à refaire, je le referais », avait-il déclaré, ajoutant que sa main n’avait pas tremblé le moins du monde pour envoyer les condamnés à mort à l’échafaud.
En juin dernier, 32 ans après les faits, Kenan Evren avait donc finalement été jugé et condamné pour son coup d’Etat. Mais condamné à la prison à perpétuité et dépossédé de tous ses titres militaires, il avait fait appel et donc n’a pas eu à purger sa peine, au grand désespoir de ses victimes. Vieux et malade, il n’avait d’ailleurs pas eu à comparaître en audience et avait simplement témoigné par vidéoconférence depuis son hôpital, ce qui restera également un motif de frustration.
L’AKP de Recep Tayyip Erdogan aura en tous cas laissé en héritage cette réforme hautement symbolique qui permet aux militaires putschistes, jusque-là protégés par la Constitution, de comparaître pour leurs crimes. Reste à savoir maintenant si feu Kenan Evren recevra les honneurs posthumes de funérailles nationales, ou s’il disparaîtra dans les oubliettes de l’histoire par la petite porte.