Reportage à Debaltseve, privée d'eau, de chauffage et d'électricité

Les observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui doivent surveiller le cessez-le-feu dans l'est de l'Ukraine, sont toujours « trop limités dans leurs mouvements », regrette son secrétaire général. Les employés de l'organisation avaient notamment été empêchés par les rebelles pro-russes d'accéder à Debaltseve juste après la signature des nouveaux accords de Minsk, alors que les combats faisaient rage autour de ce nœud routier et ferroviaire stratégique. Il y a dix jours, la ville a été reprise par les séparatistes aux forces ukrainiennes. Les combats ont été très violents. La ville est à 80% détruite et de nombreux habitants démunis sont encore contraints de vivre dans des caves.

Avec nos envoyés spéciaux à Debaltseve,  Boris Vichith et Anastasia Becchio

Une longue rampe en béton descend dans un parking souterrain de Debaltseve, située entre les villes rebelles de Lougansk et de Donetsk. Les mots « abri » et « enfants » ont été inscrits à la peinture verte sur les parois. Le docteur Maurice Nègre, de l'ONG Médecins sans frontière, vient prendre des nouvelles des personnes qu'il a visitées récemment.

« Est-ce que la jeune femme qui avait peur de sortir a fini par sortir ? », demande le médecin. « Elle a eu un problème et ils l'ont emmenée à l'hôpital », répond une femme sur place. « Qu'est-ce qu'elle a fait ? Une crise de panique ? Quels sont les symptômes ? », poursuit Maurice Nègre. « Oui, on lui a dit que c'était une crise de panique. Elle a commencé à avoir des visions, elle ne reconnaissait plus ses proches », précise la femme. « Donc, ça, typiquement, c'est bien des gens qui ont besoin de soins, qu'on appelle de santé mentale. C'est évident. Toute la population, non. Une petite partie de la population », décrypte le médecin.

Dix jours de calme

Voilà plus de dix jours que le calme est revenu, mais comme plusieurs dizaines d'autres, Nastia, postière, continue de vivre dans ce sous-sol humide, sans eau, sans électricité avec ses trois enfants. « Dans notre appartement, il n'y a pas d'électricité, pas de fenêtre, des murs branlants, où voulez-vous qu'on aille ? Quand j'y suis retournée, c'était l'horreur. La peur ne nous quitte toujours pas. La plus petite fait des cauchemars, elle rêve de vitres brisées. Cela prendra des années pour que ça sorte de sa tête. »

De temps en temps, de grosses déflagrations retentissent : les démineurs font sauter les engins qui n'ont pas explosé. Dans le bâtiment de l'administration régionale aux vitres soufflées et à la façade criblée d'éclats d'obus, des habitants font la queue pour recharger leur téléphone portable.

A l'extérieur, des hommes s'affairent à réparer les câbles électriques. Sur la place centrale, plusieurs tentes gonflables ont été dressées par les services de secours. L'une d'elles est le bureau provisoire du nouveau maire de la ville, Alexandre Afendikov, en treillis et chapka cosaque sur la tête.

« Notre premier objectif est de chauffer et nourrir les gens, explique-t-il. Nous devons rétablir l'électricité, le chauffage et l'eau. Les lignes à haute tension ont été détruites. Aujourd'hui, on commence à avoir de l'électricité dans la ville. Dix jours après la libération, on a déjà fait beaucoup de travail. »

Après les violents combats du mois dernier, Debalteseve est à 80% détruite. Difficile de trouver une habitation qui n'a pas été endommagée. Olga fait la queue pour obtenir de l'aide alimentaire. Elle a tout perdu ; sa maison a brûlé.

« On a passé sept mois dans un abri souterrain. On n'avait ni eau, ni lumière, rien. Ça a commencé le 24 juillet. C'était mon anniversaire. Cinq missiles Grad sont tombés sur notre maison. On venait à peine de la construire. On n'a pas d'argent, pas de travail. Comment on va réparer tout ça ? Jusqu'à maintenant, on est obligés de vivre dans un abri souterrain. »

Dans une cour d'immeuble, une femme prépare à manger sur un feu de camp. Elle passera, elle aussi, une nouvelle nuit dans une cave.

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