[Reportage] Au port de Marioupol, le calme avant la tempête ?

« Des progrès sont constatés mais la situation doit être améliorée », déclaration de l'Elysée à l'issue d'un nouvel entretien téléphonique entre François Hollande, Angela Merkel, Vladimir Poutine et Petro Porochenko, à propos de la situation dans l'est de l'Ukraine et du cessez-le-feu en vigueur. En attendant, l'inquiétude est toujours vive à Marioupol, la dernière grande ville du Donbass encore aux mains de Kiev. Beaucoup craignent qu'elle ne soit la prochaine cible des rebelles pro-russes.

Avec nos envoyés spéciaux à Marioupol, Boris Vichith et Anastasia Becchio

Policiers et militaires contrôlent les véhicules suspects aux abords de Marioupol, port industriel sur la mer d'Azov. Pour entrer à la capitainerie, il faut aussi montrer patte blanche. De son bureau avec vue sur les docks, le capitaine Sergiy Poyurovskyy garde l'oeil.

« Le port est bien sur un lieu stratégique parce que nous avons à Marioupol trois grandes usines métallurgiques, explique-t-il. Comme le territoire de Donetsk est occupé, le charbon pour les alimenter transite par notre port. Notre port est très important : autant pour le métal et les céréales que l'on exporte, que pour le charbon que l'on importe. »

L'autre souci du moment pour les responsables du port, c'est l'activité qui tourne au ralenti « Avant le début des opérations militaires, nos 18 quais étaient occupés. Et en plus de ça on avait encore des navires qui patientaient dans la rade, ajoute le capitaine. Ces derniers temps, on a 4, 5, 8 ou 10 quais maximum qui sont occupés. De plus, les étrangers n'osent plus envoyer leurs bateaux ici, parce que le détroit de Kertch se trouve en zone occupée. »

L'annexion de la Crimée, il y a un an, a permis à Moscou de prendre le contrôle de ce détroit, jusqu'alors administré par l'Ukraine.

6 000 victimes en un an

Plus de 6 000 personnes ont été tuées en Ukraine depuis le début des violences en avril 2014, selon le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme. Selon le rapport publié à Genève, le conflit a fait aussi un million de déplacés qui vivent, le plus souvent, dans des situations particulièrement difficiles. A Marioupol, encore contrôlée par Kiev, de nombreux réfugiés sont démunis, obligés de compter sur les associations qui organisent des distributions d'aide alimentaire.

Devant un entrepôt, à la périphérie de la ville, plusieurs dizaines de personnes font la queue pour obtenir leur sac d'aide alimentaire. Les ayants droit, tous des déplacés, cherchent leur nom sur les listes collées au mur. Liouba ne trouve pas le sien. Elle est arrivée il y a quelques jours de Chirokiné, village situé à une vingtaine de kilomètres de Marioupol, sur la ligne de front.

« On avait tout ce qui nous fallait chez nous, raconte la réfugiée. On vivait dans un village où tout le monde avait son potager, son bétail, des vaches, des chèvres. Nous, on avait des poules. Les pauvres, on leur a laissé du maïs et de l'eau. On n'a pris que notre chien. Il a passé tout le temps des bombardements avec nous dans la cave. »

Les bombardements, c'est aussi ce qu'a fui Harrison. Ce Nigerian, marié depuis vingt ans à une Ukrainienne, a quitté Donetsk en septembre. Sans travail, il vient tous les mois chercher quatre sacs de 13 kg pour les quatre membres de sa famille.

« Des conserves, du riz, des pâtes, du lait concentré. Je ne pouvais plus vivre à Donetsk parce que ça bombardait trop. J'ai des enfants et j'avais peur qu'ils ne soient touchés. »

Harisson redoute que Marioupol ne connaisse bientôt le même sort que Donetsk. Il aimerait repartir au Nigeria avec sa famille. Mais reste à convaincre son épouse encore réticente à quitter son pays.

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