Ukraine: la chute de Debaltseve

Les rebelles pro-russes ont infligé mercredi un nouveau revers aux autorités de Kiev en contraignant l'armée ukrainienne à abandonner la ville stratégique de Debaltseve. En prenant Debaltseve, les séparatistes parachèvent les avancées militaires amorcées pendant l'été. La zone contrôlée par les rebelles est maintenant homogène et fait la jonction entre les territoires séparatistes des régions de Lougansk et de Donetsk. Les chefs d'Etat russe, ukrainien, français et allemand vont s'entretenir au téléphone ce mercredi soir. Le président ukrainien Petro Porochenko souhaite un contingent international de maintien de la paix dans l'Est.

Notre envoyé spécial dans les environs de Debaltseve, Regis Gente explique qu'ilest difficile à décrire la manière dont se sont déroulés les évènements, car peu d'images et d'informations ont filtré. La poche de Debaltseve était complètement fermée, pour les médias notamment, sauf pour quelques équipes de télévision russe. La communication de l’armée des séparatistes pro-russes était bien contrôlée.

Dès mardi soir, les rebelles disaient avoir repris 80 % de la ville de Debaltseve, et notamment sa gare ferroviaire si stratégique à leurs yeux. Apparemment, y compris après des combats de rue.

Un retrait loin des regards des médias

Aujourd’hui, aux checkpoints, aux postes de contrôle de Vuhlehirsk à une quinzaine de kilomètres de Debaltseve, jusqu’au début de l’après-midi, les détonations sourdes se faisaient encore entendre. Il s’agissait de tirs d’artillerie, à quelques kilomètres de là.

Puis, ces détonations se sont faites plus rares et plus lointaines. Peu de véhicules militaires, de tanks, de blindés, entraient ou sortaient de la poche de Debaltseve, par ces postes de contrôle. Probablement, en partie du moins, parce les troupes pro-russes ont investi la dite poche et se sont employées à la refermer, au niveau du territoire contrôlé par l’Ukraine.

La chute de Debaltseve porte un sérieux coup au cessez-le-feu signé la semaine dernière. Ils n'ont pas empêché les séparatistes pro-russes de poursuivre une grande offensive sur la poche de Debaltseve. D'ailleurs, ils se font donneurs de leçon quant à la nécessité de respecter le cessez-le-feu.

Les dirigeants séparatistes pro-russes parlent de redéploiement des armes lourdes comme cela est stipulé dans les accords de Minsk. Ceux-ci envisageaient un retrait des armes lourdes 48 heures après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, dimanche dernier à minuit. Les dirigeants séparatistes pro-russes évoquent ce retrait dans la région de Debaltseve « dès que la situation le permettra ». La formule est pour le moins ambiguë. 

Coup dur pour l'armée ukrainienne

Le président ukrainien a beau affirmer que c’est sur son ordre que les soldats ont quitté les lieux, parlant d’une opération planifiée et organisée, le retrait des unités militaires de Debaltseve est un nouveau coup dur pour une armée bien malmenée ces derniers mois. Après avoir dû abandonner l’aéroport de Donetsk, en janvier, c’est désormais l’important nœud routier et ferroviaire de Debaltsevo, situé à mi-chemin entre les villes de Donetsk et Lougansk, qui est laissé aux séparatistes.

Venu dans la ville voisine d’Artémivsk accueillir les militaires ukrainiens en déroute, Petro Porochenko a fait état de 30 soldats blessés. Mais les pertes seraient en réalité plus importantes : pour la seule journée d’aujourd’hui, 13 corps de soldats ont été acheminés à la morgue d’Artémivsk. Des médias évoquent une quarantaine de victimes.

Condamnations unanimes à l'ONU et à Bruxelles

Ce mercredi soir, un nouveau coup de fil diplomatique est prévu pour évoquer la situation ukrainienne. La chancelière allemande, les présidents français, ukrainien et russe doivent se parler au téléphone. Paris et Berlin vont tenter de tout faire pour ne pas enterrer les accords de paix de Minsk. L'Allemagne a condamné l'offensive militaire des séparatistes pour s'emparer de Debaltseve, alors que la trêve est officiellement en vigueur depuis dimanche.

La chef de la diplomatie européenne, estime pour sa part que les actions des séparatistes soutenus par la Russie à Debaltseve sont une claire violation du cessez-le-feu. Federica Mogherini déclare que de nouvelles sanctions pourraient être prises prochainement. Des arguments que les dirigeants français et allemands vont sans doute tenter de faire valoir auprès de leur interlocuteur russe.

Le cessez-le-feu « n'est pas mort », selon Washington

Le cessez-le-feu signé le 12 février à Minsk « n'est pas mort » dans l'est de l'Ukraine, mais le secrétaire d'Etat américain John Kerry a exhorté son homologue russe Sergueï Lavrov à le faire totalement respecter, a indiqué mercredi la diplomatie américaine. « Le secrétaire d'Etat Kerry (...) a pressé le ministre des Affaires étrangères Lavrov de mettre fin aux attaques séparatistes et russes contre des positions ukrainiennes à Debaltseve et à d'autres violations du cessez-le-feu », a précisé le porte-parole du département d'Etat Jennifer Psaki mercredi lors de son point de presse quotidien. 
 

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