La Grèce voudrait renoncer à l’essentiel du versement de plus de 7 milliards d’euros prévu à la fin du mois en cours, mais aussi à un tiers des réformes promises en échange (il ne garderait que 70% des changements demandés par le FMI, la BCE et l'UE, c'est-à-dire la troïka). Le gouvernement propose ainsi la mise en place d'un programme-relais jusqu'en juin, rappelle notre correspondante à Athènes, Charlotte Stiévenard, puis un plan de relance et d'investissement à long terme.
A la place, il compte mettre en place une dizaine de réformes phares, développées avec un allié de poids : l'Organisation de coopération et de développement économique, un forum d'une trentaine de pays considéré comme libéral. Ce mercredi matin, le secrétaire général de l'OCDE, José Angel Gurria, a d'ailleurs rencontré Alexis Tsipras à Athènes et a confirmé que son organisation soutiendrait le programme de réformes de la Grèce.
En échange, le gouvernement grec espère avoir accès à des financements. Il veut récupérer 1,9 milliard d'euros de bénéfices réalisés par la Banque centrale européenne sur les obligations grecques. Il espère également être autorisé à lever d'autres bons du Trésor, au-dessus de la limite déjà atteinte. Sur la dette, il voudrait mettre en place un montage financier qui permettrait de réduire la part détenue par ses partenaires européens, mais sans l'effacer.
Jouer sur les marges des pays prêteurs
« Il va être difficile de changer le montant lui-même de la dette, confirme Grégory Claeys, chercheur à l'Institut Bruegel à Bruxelles. Elle peut changer les conditions, elle peut passer notamment par un allongement des maturités de cette dette. C'est-à-dire que pour l’instant, la Grèce doit rembourser dans trente ans ; on pourrait penser qu’elle pourrait l’allonger à cinquante ans voir à cent ans. »
Pour le chercheur, la Grèce pourrait également jouer sur la petite marge que se font les pays prêteurs, en obtenant un taux inférieur. En outre, ajoute Grégory Claeys, « la dernière proposition qui a été faite ces derniers jours par le ministre des Finances grec, serait d’indexer cette dette et les paiements de cette dette aux performances de croissance de la Grèce. Si la Grèce a une croissance élevée, elle rembourserait beaucoup à ces créditeurs ; si elle a croissance faible ou négative, elle rembourserait moins et ça repousserait à plus tard. Ce qui permettrait à la Grèce de relancer sa croissance. »
Le gouvernement grec devrait cependant avoir du mal à convaincre ses partenaires. C'est ce que laissent présager les déclarations du ministre allemand des Finances. Mardi, Wolfgang Schäuble l'a encore répété : la Grèce doit respecter les accords signés avec le gouvernement précédent si elle veut avoir accès à la dernière tranche d'aide de 7,2 milliards d'euros. La chancelière allemande a également rappelé son attachement aux contreparties accordées par la Grèce en échange des plans de sauvetage.
Toutes les pistes sont sur la table
Alexis Tsipras, lui, reste sur ses positions. Dans son discours prononcé lors du vote de confiance, le Premier ministre grec a indiqué que la Grèce ne compte pas sur cet argent. La Grèce, de fait, ne demande plus aujourd’hui de raboter sa dette, souligne notre correspondant à Bruxelles Pierre Bénazet . Ce que veut bel et bien Athènes, c'est l’aménager, ce qui serait en théorie plus simple.
Pour arriver à un compromis, certains imaginent que les Européens vont bâtir une « extension technique », un allongement du programme pour sauver les apparences. Bref, on joue sur les mots. Cela pourrait par exemple passer par un délai de six mois jusqu’en septembre qui permettrait à la Grèce de continuer à recevoir les fonds nécessaires avant l’entrée en vigueur d’un nouvel accord éventuel.
Quoi qu'il en soit, toutes ces pistes seront donc évoquées ce mercredi après-midi à Bruxelles. Les ministres des Finances des pays membres de la zone euro ont rendez-vous à 17h30. Ils sont 19, mais un seul d’entre eux occupera l’avant-scène, à savoir le ministre grec des Finances, puisque cet Eurogroupe extraordinaire, ajouté en dernière minute à l’agenda, est exclusivement consacré à son pays.
Eurogroupe extraordinaire
On entre donc ce mercredi dans le vif du sujet et dans les grands marchandages. Cette réunion de l’Eurogroupe a été convoquée pour aplanir les difficultés avant le sommet européen du lendemain, ce jeudi, où le Premier ministre grec présentera ses demandes à l'ensemble des membres de l'Union européenne lors d'un Conseil des chefs d'Etats et de gouvernement.
En fin de compte, selon la Commission européenne, il est peu probable qu’un accord final soit conclu ce mercredi soir, ni même lors du sommet le lendemain. Sauf coup de théâtre, aucune décision n'est attendue avant lundi prochain, date d'une seconde réunion des ministres des Finances de la zone euro. C'est à ce moment-là que devrait s'achever l'ultimatum lancé par Joeren Djisselbloem, le président de l'Eurogroupe.
« Il faut arrêter la troïka et trouver les moyens d’aider la Grèce »
La crise de la dette grecque et ses conséquences possibles sur la zone euro préoccupent beaucoup les députés européens. C'est le cas de l'eurodéputée Pervenche Bérès, membre de la délégation des socialistes français au groupe des sociaux et démocrates du Parlement de Strasbourg.
« Il faut convaincre beaucoup de pays que la sortie de la Grèce ne peut pas être une solution, qu’il n’y a pas de mécanique simple. Certains font circuler l’idée que la Grèce pourrait sortir et que tout irait mieux ; c’est une illusion. Le jour où la Grèce sort, la question qui se posera, c’est : quel est le suivant ? Et quand le suivant sera là, il n’y aura plus d’euro.
C’est ça qui se joue, c’est de ça que les chefs d’Etat et de gouvernement doivent avoir conscience. Evidemment, le nouveau gouvernement grec arrive dans un contexte où il doit respecter les règles du jeu, mais les autres doivent aussi respecter le résultat de l’élection en Grèce. Il faut arrêter la troïka et trouver les moyens d’aider la Grèce à réussir le pari pour lequel les électeurs grecs ont donné un mandat à Tsipras. »