Avec notre envoyée spéciale à Donetsk, Anastasia Becchio
C’est un cercueil tapissé d’un drap blanc et porté dans un bus orange. Il y a là déjà deux autres cercueils, tous ouverts, comme le veut la tradition de l’Eglise orthodoxe russe. La scène se répète plusieurs fois par jour dans la cour de la morgue de Donetsk. Dans le couloir, on aperçoit deux corps cachés par des couvertures posés sur des brancards. Sous l’escalier, une porte vitrée derrière laquelle on distingue un empilement de sacs mortuaires.
L’odeur de cadavres en décomposition est insoutenable. Dans son bureau du deuxième étage, le directeur de la morgue, Andreï Kalachnikov, a du mal à cacher son émotion. « La morgue est saturée, les corps sont posés à même le sol. Ils sont empilés les uns sur les autres. Chaque jour on reçoit plus de dix cadavres. Ce sont essentiellement des gens qui ont été tués dans des explosions », explique-t-il. Au total, selon les chiffres fournis par la morgue, 359 personnes ont été tuées depuis le 1er janvier sur le territoire de la république séparatiste de Donetsk.
Andreï Kalachnikov décrit des corps « déchiquetés », « fracassés ». Environ 70 % des morts sont des civils, précise-t-il. « On nous a déjà prévenus qu’on allait bientôt recevoir près de 400 cadavres de la région de Debaltseve. Les combats là-bas sont très violents. Il y a beaucoup de morts parmi les combattants de la république de Donetsk, mais aussi de nombreux civils », rapporte-t-il encore.
A l’extérieur, un groupe de combattants séparatistes patiente en silence. Ils viennent récupérer le corps de l’un des leurs, tué près de l’aéroport il y a quatre jours, pour l’envoyer à sa mère qui l’enterrera à Kramatorsk, une ville contrôlée par l’armée ukrainienne.
Plus au nord, la situation est encore plus tendue. Dans Debaltseve, cette ville stratégique située entre Donetsk et Lougansk, et ses alentours, de violents combats se déroulent entre l’armée ukrainienne et les rebelles. Amnesty International parle d’une situation catastrophique avec des personnes qui n’ont pas pu fuir les combats, souvent âgées, apeurées, terrées dans les caves pour se protéger des bombardements incessants.