Avec notre envoyée spéciale à Donetsk, Anastasia Becchio
Pour les habitants de Donetsk, cette élection représente surtout l’espoir. L’espoir que la situation s’améliore, que la guerre s’arrête. La population vit dans un état de stress permanent et au rythme des détonations. Des quartiers d’habitation sont régulièrement touchés par des obus. S’ajoutent à cela des conditions économiques délicates : très peu de travail, des pensions qui ne sont pas versées depuis des mois et l’hiver. Sans compter ces nombreuses habitations qui portent encore les stigmates des combats – toits troués, vitres soufflées – alors que l’hiver commence à s’installer.
En élisant un responsable de la rébellion, les gens, habitués ici à se placer sous une autorité, attendent de sa part une protection supplémentaire. Dans les bureaux de vote, beaucoup d’électeurs exprimaient l’espoir que la république autoproclamée de Donetsk soit reconnue comme un vrai pays, un État indépendant.
Ressentiment
Plus les mois passent, moins les partisans du maintien de l’unité avec l’Ukraine sont nombreux. Les positions se sont radicalisées, une partie de la population éprouve un fort ressentiment envers Kiev, en particulier dans les quartiers bombardés. C’est le cas dans le secteur de l’aéroport, où les rebelles et les forces ukrainiennes se livrent à d’interminables et meurtriers combats. C’est une lutte qui dure depuis le mois de mai, pour le contrôle de cet aéroport dont il ne reste quasiment que des carcasses de bâtiments. Dans les quartiers qui jouxtent ce secteur, les tirs d’obus sont quotidiens. Et pour la population, il ne fait pas de doute que ce sont les soldats ukrainiens qui en sont responsables. Et pour certains, le vote de ce dimanche était clairement aussi un message envoyé à Kiev. On ne veut plus de l’Ukraine, on nous fait payer trop cher notre volonté d’autonomie, disait-il.
À Moscou, le ministère des Affaires étrangères déclare respecter la volonté des habitants du sud-est de l'Ukraine. Il estime également que ceux qui sont élus ont obtenu un mandat pour rétablir la vie normale dans les régions de l'Est. Une position d’autant plus ambigüe qu’officiellement la Russie ne reconnait pas l’existence des « républiques » de Donetsk et Lougansk. Au moment des référendums d’autodétermination, Moscou ne s’était ainsi contenté que de déclarations très vagues. Le ministre russe des Affaires étrangères a expliqué que la reconnaissance par Moscou des scrutins d’hier permettrait de légitimer les autorités de ces régions. Pour Sergueï Lavrov, il s'agit de l'un des points les plus importants des accords de Minsk, conclus début septembre.
Une prestation de serment sous haute sécurité
De son côté, Kiev a une tout autre lecture. Il affirme que les accords prévoient que toute élection soit organisée selon la loi ukrainienne. Le président Petro Porochenko avait d’ailleurs proposé dans le cadre de sa loi destinée à accorder plus d'autonomie à ces régions de Donetsk et Lougansk, que des élections locales aient lieu le 7 décembre prochain, ce que les séparatistes avaient refusé catégoriquement, pour fixer leur propre élection à ce dimanche, soit une semaine après les législatives qui ont conforté le camp pro-occidental à Kiev. Petro Porochenko a annoncé ce lundi que l'Ukraine allait réagir après ce qu'il dénonce être une violation des accords de paix.
La prestation de serment d'Alexandre Zakhatchenko doit avoir lieu demain mardi. À la veille de la cérémonie, prévue dans un théâtre de la ville, la tension est palpable à Donetsk. Nul doute qu’elle se déroulera sous très haute sécurité. Alexandre Zakhartchenko prêtera serment sur la Constitution de la république autoproclamée et il dévoilera l’hymne de l’entité séparatiste, précise son service de presse. Ce lundi soir, de violentes déflagrations sont entendues jusque dans le centre-ville. Tout à l’heure plusieurs obus sont tombés dans un quartier pavillonnaire proche de l’aéroport.