Jean-Claude Juncker n'a pas fait l'unanimité mais il obtient tout de même une très large majorité des voix : 26 des 28 chefs d'Etat ou de gouvernement de l'Union européenne ont voté pour l'ancien Premier ministre du Luxembourg. Presque tous les dirigeants, de droite comme de gauche, se sont donc ralliés à lui.
Les voix manquantes sont celles du Hongrois Viktor Orban et, sans surprise, celle du Premier ministre britannique. David Cameron a mené campagne ces dernières semaines contre Jean-Claude Juncker, fédéraliste et hostile aux exemptions demandées par les Britanniques. Le Premier ministre britannique a usé, voire abusé, de tous les règlements pour empêcher la désignation de Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission européenne, précise notre correspondant à Bruxelles, Grégoire Lory.
David Cameron a voulu et obtenu un vote avec ses 27 partenaires sur cette question mais sans succès. Toutefois, pour le Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel, cette posture britannique est une simple application des règles européennes. « Je crois que c’était une atmosphère sereine, ça a été un moment où chacun a pu exprimer sa préférence et c’est un choix à respecter… C’est une question de principe : avant les élections, les trois grandes formations européennes s’étaient mis d’accord pour avoir des têtes de liste. Il est un fait que le PPE [Parti populaire européen ] est arrivé premier parti au soir des élections » et donc on doit respecter ce vote d’autant que « Jean-Claude Juncker est quelqu’un qui a l’expérience nécessaire » pour mener à bien sa nouvelle fonction ajoute Xavier Bettel.
Jean-Claude Juncker, chrétien démocrate de 59 ans, n'est pas encore officiellement désigné successeur de José Manuel Barroso. Le Parlement européen doit encore avaliser sa nomination, mi-juillet mais cela ne devrait être qu'une formalité. L'ancien président de l'Eurogroupe devrait être soutenu par une majorité d'eurodéputés.
Et c'est l'autre leçon de ce sommet : le Parlement européen est arrivé à ses fins et a réussi à porter à la tête de la Commission l’une de ses têtes de liste aux élections européennes. Les parlementaires viennent d’imposer leur ordre du jour dans le débat institutionnel.
« Un jour sombre pour l'Europe » : David Cameron s’explique à l’issue du Conseil européen
Avec notre envoyé spécial à Bruxelles, Piotr Moszynski
Très isolé, le Premier ministre britannique a choisi de défendre sa position en attaquant celle
des autres. Il s’est présenté comme étant le seul à avoir raison, obligé de la défendre envers et contre tous. Il a estimé que les autres dirigeants européens venaient de commettre une « grave erreur ».
«Je crois que si nous avions travaillé ensemble, nous aurions pu trouver un candidat alternatif soutenu par tous les pays membres, a déclaré David Cameron. Nous aurions pu nous mettre ainsi d’accord sur le meilleur chemin pour avancer. C’est la méthode que l’Union européenne appliquait jusqu’à présent à chaque occasion. Je pense que les autres dirigeants ont commis une grave erreur en abandonnant cette approche aujourd’hui. C’est pourquoi j’ai insisté à ce que le Conseil européen procède au vote. Comme le Conseil et les chefs de gouvernement ont choisi d’autoriser le Parlement européen à désigner le prochain président de la Commission européenne de cette manière, je voulais que soit formellement constaté que la Grande-Bretagne s’y était opposée ».
« Un jour sombre pour l'Europe »
« Le Conseil a voté en faveur de la nomination de Jean-Claude Juncker comme prochain président de la Commission européenne. La Grande-Bretagne et la Hongrie étaient contre. Nous sommes obligés d’accepter ce résultat, a ajouté le Premier ministre britannique. Nous allons maintenant travailler avec le président de la Commission afin de défendre notre intérêt national, comme nous l’avons toujours fait. Mais permettez-moi d’être très clair : c’est un sombre jour pour l’Europe. Tout cela signifie l’affaiblissement de la position des gouvernements nationaux et du pouvoir des parlements nationaux, ainsi que l’attribution de nouveaux pouvoirs au Parlement européen ».
Selon David Cameron, le vote lui donne raison quand il dit que l’Union européenne doit changer. Elle doit notamment attribuer un plus grand rôle aux Parlements nationaux et mieux respecter les droits de ceux qui ne souhaitent pas que l’intégration européenne progresse. Elle doit se réformer, et le Premier ministre britannique s’est dit extrêmement sérieux quant à l’exigence de réformes. Pour faire un peu oublier la défaite d’aujourd’hui, il a rappelé à plusieurs reprises ses victoires dans les débats budgétaires ou dans ceux sur le commerce et sur le marché. David Cameron s’avoue mis en minorité, mais pas vaincu.