Ukraine: toujours la tension après le décès de deux journalistes

Deux journalistes de la télévision publique russe ont été tués dans l'est de l'Ukraine. Ils auraient été victimes d'un tir de mortier ou d'une mine. Ces décès ont provoqué une vive réaction des autorités russes. Quelle est la nouvelle tactique de Vladimir Poutine qui a discuté, mardi soir, d'un éventuel cessez-le-feu avec son homologue ukrainien, Petro Porochenko ?

Avec notre correspondante à Moscou, Murielle Pomponne

Les journalistes russes étaient en train de tourner un reportage sur la population qui cherche à fuir la région de Lougansk quand ils ont été touchés. Certains parlent d'un obus de mortier, d'autres d'une mine ou d'une grenade. L'un des deux journalistes est mort sur le coup, l'autre, pendant son transfert à l'hôpital.

L'Union des journalistes de Russie a adressé à l'OSCE une lettre demandant l'arrêt des violences à l'égard de la presse. Deux autres journalistes, un Italien et son assistant russe, ont été tués fin mai dans la même région et plusieurs autres , Russes, Ukrainiens, ou étrangers ont été arrêtés et parfois maltraités depuis le début de la guerre dans l'est de l'Ukraine.

L'ensemble des télévisions russes ont consacré une page importante de leurs journaux à ce drame. Le ministère russe des Affaires étrangères a, pour sa part, dénoncé « un nouveau crime des forces ukrainiennes » et a exigé des autorités ukrainiennes une enquête objective sur cette tragédie, et la « punition des coupables ». Le président ukrainien s'est engagé à ce qu'une enquête soit menée.

Regain de tension

Comment expliquer ce regain de tension alors que l'on croyait à une désescalade après la rencontre Poutine - Porochenko en France à l'occasion des cérémonies d'anniversaire du Débarquement le 6 juin ? Pour Lilia Chevtsova, analyste au Centre Carnegie de Moscou, le Kremlin a juste changé de stratégie en renonçant à annexer l'est de l'Ukraine, mais n'a pas renoncé à son objectif de garder l'Ukraine dans l'orbite russe par tous les moyens : « La nouvelle tactique consiste, premièrement à poursuivre la déstabilisation de l'Est, c'est à dire du Donbass, avec des armes russes et une assistance russe, et deuxièmement, à organiser la corruption d'une partie de l'élite ukrainienne, afin de créer une nouvelle faction pro russe à Kiev et d'avoir au Parlement ukrainien un puissant lobby prorusse, puisque, avec la nouvelle Constitution, le Parlement aura beaucoup plus de pouvoir. »

« Et puis, nous dit encore Lilia Chevtsova,  il y a aussi des arrangements avec les oligarques russes, avec les représentants du lobby industriel de l'Est, là où il y a beaucoup d'entreprises qui travaillent pour le complexe militaire russe. Et finalement, il y a aussi les interêts de Porochenko en Russie. C'est aussi un canal pour avoir de l'influence. Et la diplomatie russe a parfaitement réussi a établir un dialogue séparé avec les différents pays européens, pour empêcher leur unité et eviter une action forte de l'Europe. »


Ukraine: de l'argent européen pour acheter le gaz

La Commission européenne a annoncé, mardi 17 juin, avoir débloqué 500 millions d'euros pour aider l'Ukraine à faire face à ses besoins de financement, notamment pour des achats de gaz à des compagnies européennes. Officiellement, il s'agit d'une assistance budgétaire. Libre aux autorités ukrainiennes de décider comment elles souhaitent utiliser cet argent.

Mais la porte-parole du commissaire européen à l'Energie le confirme : il pourrait bien servir à des achats de gaz à des compagnies européennes. D'ailleurs, les discussions sont bien engagées depuis lundi, avec le patron du groupe public ukrainien Naftogaz. Selon ses mots, les fournisseurs européens lui proposent un gaz bon marché à hauteur de 320 euros les 1 000 m3. Contre 385 euros pour Gazprom, le géant russe qui a cessé toute livraison de gaz à l'Ukraine en raison d'une dette de 4,5 milliards d'euros.

Explosion

Mais, pour se fournir auprès des pays de l'Union européenne, il faudra inverser les flux des gazoducs. Deux milliards de m3 par an pourraient ainsi transiter via la Pologne et la Hongrie, et, de 8 à 10 milliards via la Slovaquie à la fin de l'année. Pas sûr pour autant que l'achat de gaz en Europe suffira à couvrir les besoins de l'Ukraine : ce sont 50 milliards de m3 qui ont été consommés en 2013 dans le pays, dont 30 milliards étaient fournis par le russe Gazprom.

Enfin, une explosion sur un gazoduc international a eu lieu le 17 juin à Poltava (nord-est), a indiqué le ministère ukrainien de l'Intérieur. La conduite de 4 500 km alimente l'Europe en gaz russe, mais, selon Ukrtransgaz, l'opérateur du gazoduc, le transit vers l'ouest n'est pas affecté par ce que Arsen Avakov, le ministre ukrainien de l'Intérieur a qualifié de « sabotage russe ».

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