Petro Porochenko remporte la présidentielle dans une Ukraine en crise

Petro Porochenko est crédité de 58 % des suffrages au premier tour de l’élection présidentielle qui s’est tenue dimanche en Ukraine dans un contexte extrêmement tendu. Il a annoncé que l’une de ses premières actions en tant que chef de l’Etat sera de se rendre dans le Donbass, la région revendiquée par les séparatistes pro-russes.

Avec nos envoyés spéciaaux à Kiev, Anastasia Becchio et Mathias Taylor et à Donetsk,Laurent Geslin

La soirée de dimanche a été marquée par une certaine retenue, à Kiev. Pas de concert de klaxon, pas de ferveur populaire. Dans les rues de la capitale ukrainienne, c’était un dimanche soir presque ordinaire. Au QG de Petro Porochenko, qui s’était installé dans une galerie d’art très en vue de Kiev, pas d’ambiance électrique non plus.Lorsqu’il est arrivé, escorté de ses gardes du corps, il a eu droit à des applaudissements nourris, mais l’on n’a pas senti de ferveur, dans une salle surtout remplie des journalistes - plus de 700, venus du monde entier. Il y avait aussi son cercle rapproché et des députés, essentiellement du parti Oudar - « coup de poing », en ukrainien -, le parti libéral de Vitaly Klichko sur lequel Porochenko s’est appuyé. Klichko, en compagnie duquel il s’est présenté devant la presse, qui, lui, aurait dont remporté la mairie de Kiev.

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A l’extérieur, une ambiance très calme, y compris sur Maïdan, la place de l’Indépendance où, ces derniers mois, on a vu des rassemblements de plusieurs dizaines de milliers de manifestants. Mais hier, rien de tel, il y avait surtout les gens qui continuent de vivre à l’abri des barricades dans des tentes et quelques passants, qui regardaient la rediffusion de la soirée électorale sur un grand écran. Là non plus, pas de joie immodérée et pas de surprise, comme si tout avait été écrit d’avance.

Victoire attendue

La victoire de Petro Porochenko était attendue. Tous les instituts de sondage le donnaient gagnant. La question était de savoir s’il s’imposerait dès le premier tour. Sur ce point, les politologues étaient assez partagés, mais la majeure partie des enquêtes d’opinion le donnaient tout de même un peu au-dessous des 50 %. Lui, en tout cas, avait publiquement exprimé le vœu d’être élu dès le premier tour. Ces derniers jours, c’est d’ailleurs devenu un thème de campagne : il fallait que Petro Porochenko soit élu dès le premier tour pour en finir au plus vite avec la crise que traverse le pays.

Dimanche soir, Petro Porochenko n’a pas attendu une quelconque annonce de la commission électorale pour venir revendiquer la victoire dans son QG. Il y est arrivé très rapidement après la fermeture des bureaux de vote et l’annonce des premiers sondages sortis des urnes. On a l’impression d’un processus mené au pas de course. Avec cette présidentielle anticipée, organisée en trois mois, qu’il fallait mener à terme coûte-que-coute, cette victoire en un tour est censée donner une légitimité incontestable au chef de l’Etat. Et elle permet, encore une fois, d’accélérer le processus.

Première urgence : la paix dans l'Est

A Donetsk, et dans l'Est du pays, la grande majorité des bureaux de vote ont été fermés ces derniers jours par les séparatistes pro-russes qui ont proclamé unilatéralement leur indépendance. Dans le Donbass, les routes sont coupées par des barrages gardés par des hommes en armes, il est difficile de se déplacer et encore plus d'affirmer ses opinions politiques. Et même si beaucoup de citoyens de l'est de l'Ukraine se méfient du mouvement séparatiste, certains d'entre eux considèrent aussi comme illégitime le nouveau gouvernement issu de la révolution de Maidan. Petro Porenchenko aura donc une tâche difficile : rétablir l'unité du pays, le sauver de la banqueroute, mais surtout donner l'envie aux populations de l'est du pays d'adhérer au projet citoyen de l'Etat ukrainien.

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Petro Porochenko l’a d'ailleurs promis juste après avoir jeté son bulletin dans l’urne, et répété dans son QG, dimanche soir : son premier déplacement sera pour l'Est. C’est l’urgence du moment, avec une situation qui échappe totalement au contrôle des autorités de Kiev, une liste de victimes qui s'allonge chaque jour, et cette journée de vote qui n'en n'a pas été une. Porochenko se rendra dans cette région minière avec une volonté de tendre la main : il a répété qu’il garantirait tous les droits des habitants de ces régions russophones, y compris le droit de parler leur langue. Il propose une amnistie pour ceux qui ont pris les armes, mais n’en n’ont pas fait usage. Les autres, « ceux qui ont tué », a-t-il prévenu, « sont des terroristes qu’il faut combattre ». Plus largement, le futur chef de l’Etat va devoir jouer les équilibristes, en menant le pays sur la voie de l’intégration européenne, comme il l’a promis, tout en essayant de recoller les morceaux avec la Russie, accusée d’alimenter les troubles dans l’Est.

A l’intérieur, une tâche titanesque l’attend également, avec une économie chancelante et une corruption endémique qu’il a promis de combattre. Il va falloir réformer. Pour cela, « nous ne pouvons pas nous permettre un Parlement qui bloque des décisions importantes », a-t-il expliqué, précisant qu’il voulait convoquer une élection législative anticipée dès cette année.

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