Avec notre correspondant à Kiev, Sébastien Gobert
Sauf imprévu de dernière minute, comme une intervention militaire russe de grande ampleur, rien ne peut empêcher le premier tour de l'élection. La situation dans le pays est relativement stable à l'heure actuelle, hormis évidemment l'annexion russe de la Crimée et les troubles dans deux régions orientales du pays.
En tout, ces trois régions abritent environ sept millions de personnes, soit environ quatre millions d'électeurs enregistrés, qui ne pourront probablement pas voter, ou en tout cas pas dans des conditions normales. Mais il restera plus de trente millions d'électeurs enregistrés, dans les autres régions du pays, qui pourront prendre part au vote. Selon un récent sondage, plus de 70% d'entre eux comptent voter.
Des observateurs étrangers
Il y aura 2 000 observateurs internationaux qui seront déployés dans les bureaux de vote. Mais de toutes les manières, hormis les troubles dans le pays et les pressions russes, il faut dire que cette élection n'a pas vraiment d'enjeu idéologique. Il y a 21 candidats, mais celui qui se démarque depuis des semaines, c'est Petro Porochenko, le roi du chocolat, qui pourrait même devenir président dès le premier tour.
Le roi du chocolat, bientôt président ?
Petro Porochenko peut l’emporter au premier tour. Sa popularité est cependant toute relative dans la conjoncture actuelle. En fait, le roi du chocolat bénéficie d'un effet de consensus postrévolutionnaire. Les groupes politiques qui ont soutenu la révolution se sont tous mis d'accord pour ne pas s'entretuer pendant la campagne. La principale rivale de Petro Porochenko, la sulfureuse Ioulia Timochenko, a elle-même déclaré qu'ils n'étaient pas adversaires !
Petro Porochenko, milliardaire, oligarque du chocolat, homme politique très prudent et très pragmatique, bénéficie aussi d'une réputation de bon manager, de chef d'entreprise efficace et moins corrompu que les autres. Et c'est ce qu'il dit dans son programme : il veut réformer l'Ukraine, l'ouvrir au monde, et remettre l'économie sur pied.
Après la déception des passages au pouvoir de Ioulia Timochenko, mais surtout après les années de gabegie du régime de Victor Ianoukovitch, c'est un discours qui peut séduire une population ukrainienne décidée à aller de l'avant.
Constat d’échec
La révolution s'était battue contre l'oligarchie. N'est-ce pas un constat d'échec si un oligarque arrive au pouvoir ? La réponse est plutôt nuancée. Oui, parce qu’aucun leader particulièrement charismatique n'a émergé pendant la révolution. Donc il faut bien choisir parmi ceux qui sont présents. Non, car, en vertu d'une réforme constitutionnelle, le président de la République ne sera plus aussi puissant que ses prédécesseurs. Donc il y a moins de risques.
Mais tout de même, indéniablement, c'est un certain constat d'échec. Hier encore, sur la place Maïdan à Kiev, l'épicentre de la révolution, les militants qui gardent le campement, disent bien qu'ils se sont battus pour une alternative politique et des réformes de fond du système. Si cela ne se profile pas dans un futur proche, personne n'exclut que les manifestations reprendront de plus belle. Parce que cette fois-ci, au contraire de la Révolution orange de 2004, les Ukrainiens ne veulent pas laisser passer leur chance de changement.