Avec nos envoyés spéciaux à Donetsk et Marioupol, Daniel Vallot et Bertrand Haeckler
Le résultat n'a rien d'une surprise puisque les adversaires du projet séparatiste avaient décidé de ne pas participer au scrutin. Ce chiffre encore provisoire de près de 90 % de « oui » est sans doute proche de la réalité. En revanche, on peut avoir un sérieux doute sur le chiffre de 75 % de participation avancé dimanche soir par les dirigeants du mouvement pro-russe dans l’est de l’Ukraine. Ce chiffre paraît exagéré étant donné le faible nombre de bureaux de vote qui ont pu concrètement ouvrir hier. Un seul exemple : la ville de Marioupol, dans le Sud, où vivent près de 500 000 habitants, mais où seulement quatre bureaux de vote ont ouvert.
Malgré tout, les partisans de la cause séparatiste estiment que ce qui s’est passé hier est un exercice de démocratie directe presque exemplaire. D’ailleurs, parmi les électeurs rencontrés, ils étaient très nombreux à dire qu’ils avaient l’impression pour la première fois de leur vie d’exercer réellement leur droit de vote et leur droit à s’exprimer politiquement.
Un son de cloche bien différent chez les partisans de l’unité de l’Ukraine. Une habitante de la région de Donetsk ne reconnaît aucune légitimité à ce référendum : « Qui a annoncé ce référendum ? Il y a quelques personnes qui ont envahi les bâtiments administratifs à Donetsk et partout dans les régions [de l'Est]. Qui sont ces gens ? Je ne les connais pas. Certains cachent leur visage. Est-ce que c’est possible d’avoir confiance ? Pour moi, ça me semble tout à fait absurde. »
Reste que pour les électeurs pro-russes, même sans les résultats officiels, il faut se projeter vers l'étape suivante : à savoir, à leurs yeux, le rattachement du Donbass à la Russie. Hier soir, dans cette banlieue de Donetsk, Oleg venait de voter pour l’indépendance de la région. Une première étape, selon lui, avant le rattachement à la Russie qu’il estime inéluctable : « On ne nous laissera pas vivre indépendamment. Nous n’avons pas d’armes. Nous n’avons pas d’Etat. Nous n’avons pas d’autre chemin que celui qui mène à la Russie. »
→ A (RE)LIRE : A peine libérée, la mairie de Marioupol reprise par les pro-russes
Quelques heures plus tôt dans la ville de Marioupol, c’est exactement le même discours que l’on pouvait entendre devant les bureaux de vote. Pour Loulia, les habitants du Donbass, se sentent russes avant tout. C’est pour cela qu’ils sont venus voter. « C’est notre mentalité, c’est notre culture. Il y a tellement de choses dont on est fier quand on pense à la Russie : l’histoire, l’âme, tous les accomplissements de la Russie. Ici tout ce qui est lié à la Russie, nous tient à cœur. Nous sommes fiers d’êtres Russes. »
Et après ?
Les pro-Russes sont d’accord pour rejoindre la Russie, mais pas forcément sur les modalités. La plupart veulent un rattachement en bonne et due forme, sur le modèle de la Crimée. Certains évoquent plutôt une fédération qui serait élargie à la Biélorussie et à d’autres territoires. Mais l’essentiel, à leurs yeux, sera de tourner le dos définitivement à l’Ukraine et aux pays occidentaux.
Les résultats définitifs doivent être annoncés cet après-midi. Il y aura ensuite sans doute une prise de parole à Donetsk de Denis Pouchiline, le principal dirigeant de cette République auto-proclamée. Une intervention très attendue car les responsables du mouvement pro-russe ont envoyé ces derniers jours des messages plutôt contradictoires, à la fois sur la signification de ce référendum et sur leurs intentions concrètes à l’issue du vote.
Hier, Denis Pouchiline déclarait qu’une victoire du « oui » signifiait que le territoire se doterait d’institutions étatiques et que l’armée ukrainienne serait considérée comme une armée étrangère. Un discours souverainiste en phase avec celui de la plupart des militants pro-russes.
En revanche, une autre figure du mouvement pro-russe, le président de la Commission électorale, Roman Liaguine, s’est montré lui beaucoup plus mesuré, expliquant aux journalistes que le statut de la région ne changerait pas fondamentalement, qu’elle continuerait de faire partie de l’Ukraine. Il est vrai que la question posée hier est formulée de façon suffisamment ambiguë pour laisser la place à ce genre de dissensions.
Ce lundi matin, au lendemain du référendum, de nombreuses détonations ont retenti en début de matinée à Sloviansk, selon l'AFP.