Ukraine: à Kramatorsk, calme précaire après les combats

Dans l’est de l’Ukraine, l’offensive de l’armée se poursuit contre les insurgés pro-russes. Dans la ville de Kramatorsk, l’essentiel des combats se sont déroulés au petit matin, ce samedi 3 mai. Durant la journée, les habitants ont pu sortir de leurs domiciles. À Donetsk, en réaction à l'offensive de Kiev, les séparatistes ont lancé un nouvel appel à la mobilisation.

Avec nos envoyés spéciaux à Kramatorsk, Bertrand Haeckler et Daniel Vallot

À Kramatorsk, après les combats qui se sont déroulés aux premières heures du jour, samedi, un calme précaire s’est installé dans l'après-midi et les habitants en profitent pour sortir et se ravitailler. « La situation est très pesante maintenant chez nous. La nuit, les sirènes ont retenti, et maintenant les routes sont bloquées », témoigne l’un d’entre eux, inquiet de la reprise des combats, bien sûr, mais aussi de l’avenir du pays. « On ne peut plus aller d’une ville à l’autre. Il y a des check-points partout maintenant, poursuit-il. C’est vrai qu’on a un peu le sentiment qu’on est en train de basculer dans la guerre civile. Et puis on se demande ce qu’on va devenir. Quel est le scénario qui nous attend ? Celui de l’Abkhazie, ou celui de la Transnistrie ? Ce n’est vraiment pas clair. Heureusement, les Ukrainiens sont des gens solides, et nous allons surmonter tout ça. »

En début d’après-midi, samedi, Natalia Skatchilava a décidé de rouvrir, pour quelques heures son épicerie de quartier. Elle a pris ses précautions en raison des violences. C’est à travers une fenêtre qu’elle prend l’argent de sa clientèle, et qu’elle leur tend la marchandise. « Les gens achètent des pâtes, de la farine, de l’huile et des céréales, raconte Natalia. Ils en achètent des quantités industrielles ! Ça fait vingt ans que je travaille ici et je n’avais jamais vu ça. »

Appel à la mobilisation

Parmi les clients de Natalia, Sergeï, venu aux nouvelles et au ravitaillement. Lui aussi s’attend à de nouveaux affrontements entre les miliciens et l’armée. « Moi, personnellement, je n’ai pas peur, explique ainsi ce jeune ouvrier de 24 ans. Mais je suis inquiet pour les enfants, les mères de famille, et pour les anciens qui ont vécu la guerre : je ne voudrai pas qu’ils vivent ça de nouveau. Mon sentiment, c’est qu’on est dans un sacré merdier, je n’ai pas d’autre mot pour le dire ! » Comme la plupart des habitants de Kramatorsk, Sergeï se dit profondément choqué par l’intervention de l’armée ukrainienne. Resté jusqu’à présent à l’écart du mouvement pro-russe, il se dit prêt, désormais, à rejoindre les rangs de l’insurrection.

« Les gens réclament des armes pour se battre »

C’est d'ailleurs sur ce sentiment que comptent les séparatistes, qui, à Donetsk, se sont emparés de nouveaux bâtiments publics, et ont lancé un appel à la mobilisation contre l’intervention militaire du pouvoir central. Objectif des insurgés ukrainiens : étendre le mouvement de contestation à d’autres régions du pays. « Dans l’est de l’Ukraine, aujourd’hui, tout le monde est prêt à se défendre, surtout après ce qui s’est passé à Odessa », affirme ainsi Dmitri Gaut, un porte-parole de la République séparatiste de Donetsk. « Aujourd’hui, les gens réclament des armes pour se battre. La détermination de ces gens-là est énorme, et Kiev ne pourra jamais s’y opposer. »

Pour lui, le mouvement va s’étendre :  « Chaque jour, nous accueillons de nouveaux volontaires. Et, bien sûr, nous nous assurons que nous pouvons leur faire confiance avant de leur donner des armes. Notre stratégie c’est de nous appuyer sur tous ceux qui ont une expérience militaire, pour défendre le territoire de notre république du Donbass. Et après, notre objectif est de protéger d’autres territoires dans le sud-est de l’Ukraine, de les protéger face au pouvoir fasciste de Kiev. »

 → A (RE)LIRE : Ukraine: Kiev poursuit son offensive

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