Barricadés à l’intérieur du bâtiment de l’administration régionale de Donetsk depuis dimanche, les manifestants séparatistes, qui ont proclamé une « République populaire de Donetsk » affirment qu’ils n’hésiteront pas à demander à la Russie l'envoi d'un « contingent de maintien de la paix » en cas d'agression des autorités de Kiev qu'ils considèrent comme illégitimes.
Ils souhaitent organiser, comme en Crimée, un référendum et ne cachent pas leur volonté de rejoindre le giron russe. Reste à savoir s'ils en auront les moyens. La situation ethnique dans l'est de l'Ukraine est sensiblement différente de la Crimée : les Ukrainophones y sont plus nombreux. Les forces de l'ordre ont jusque-là été plutôt discrètes. Elles n'ont pas opposé de vive résistance face aux manifestants pro-russes.
Toutefois, à Kharkiv, l'autre grande ville de la région, les autorités ont réussi à faire évacuer les manifestants du bâtiment de l'administration locale qu'ils avaient pris d’assaut ce dimanche. Beaucoup dépendra sans doute de l'attitude de Moscou que les autorités de Kiev accusent de mettre en oeuvre « un plan pour déstabiliser la situation » dans l'est et « démembrer l'Ukraine ». La Russie, qui continue de réclamer une fédéralisation de son voisin, lui demande aussi de cesser de la rendre responsable de tous les « problèmes » de l'Ukraine.
La main de Moscou selon Kiev
Les prises de bâtiments administratifs se sont faites sans grandes violences. A Donetsk, les forces de l’ordre ont résisté brièvement face à des manifestants encagoulés avant de se replier. Ayant reçu l'ordre d'éviter tout incident susceptible de mettre le feu aux poudres et de fournir un prétexte à une ingérence russe, les policiers font profil bas. Selon le Premier ministre ukrainien, Arseni Iatseniouk, des unités de l’armée russe se trouvent à une trentaine de kilomètres seulement de la frontière ukrainienne.
Dépêché à Kharkiv, l’autre grande ville de l’est russophone, le ministre de l’Intérieur, Arsen Avakov, a promis une réponse ferme aux séparatistes, mais sans effusion de sang. Les autorités ukrainiennes voient la main de Moscou dans ces nouveaux troubles, qui sans aller jusqu’à l’annexion de cette région minière, pourrait avoir intérêt à compromettre la tenue de l’élection présidentielle du 25 mai. « Il faut s’attendre à des pressions russes maintenues, notamment économiques et politiques, prédit le politologue Arnaud Dubien. L’objectif pour la Russie étant d’avoir un Etat central ukrainien durablement affaibli. Le pays est au bord de la faillite. Beaucoup commencent à comprendre que le soutien occidental est essentiellement verbal. »
Les oligarques locaux, attirés par l’idée d’une fédéralisation du pays, auraient peut-être aussi intérêt à entretenir l’instabilité, ce qui compliquerait d’autant la tâche des autorités de Kiev. Face à une situation de plus en plus délicate, le président par intérim, Olexandre Tourtchinov a lancé une opération antiterroriste contre les séparatistes, qui se cantonne pour le moment à renforcer la sécurité aux frontières. Le Parlement ukrainien s’apprête de son côté à voter l’interdiction des partis et des organisations faisant la promotion du séparatisme. Pour Arnaud Dubien, l'utilisation de la force dans l'est du pays est extrêmement risquée car elle peut déstabiliser davantage la situation. « Surtout, il n’est pas du tout certain que le pouvoir central de Kiev, extrêmement affaibli, dispose des outils nécessaires pour envisager une telle réponse. L’armée ukrainienne est virtuelle et la loyauté de la police dans ces régions est en question », rappelle le politologue.