Dès la prise de fonction du gouvernement de transition, l'Ukraine déclarait qu'elle était au bord de la faillite. Sa situation actuelle n'est qu'une conséquence d'une longue crise économique. Croissance nulle et manque de compétitivité ont creusé le déficit extérieur du pays, auquel s'ajoute un déficit public devenu abyssal.
Selon certaines estimations, il manque 75 milliards de dollars à l'Etat, et il lui reste moins de la moitié de ses réserves d'or et de devises. Avec les taux d'intérêt qui dépassent les 30%, l'Ukraine a le plus grand mal à emprunter sur les marchés pour financer sa dette. De quoi faire fuir les investisseurs.
Les liens complexes avec la Russie
Et avec cela, l’Ukraine accuse une énorme dette gazière qu’elle doit à la Russie, chiffrée par Gazprom à près de 2 milliards de dollars. Cette dette montre à quel point l'économie ukrainienne est dépendante de la Russie qui reste son premier partenaire économique et représente 20% du commerce extérieur ukrainien. « En grande partie, ce commerce est lié à l’achat du gaz. C’est un héritage de l’époque soviétique quand toute l’économie ukrainienne était dépendante des sources du pétrole et du gaz basées en Russie », rappelle Natalia Orlova, économiste en chef chez Alpha Bank, première banque privée russe.
Dans le cas de la Russie, l’Ukraine ne représente que 4% de son commerce extérieur. Il s’agit notamment de produits alimentaires. Mais c’est un important client pour Gazprom et un pays de transit du gaz russe vers l’Europe. « Sans oublier l’industrie métallurgique ukrainienne, où de nombreuses entreprises russes sont impliquées », conclut Natalia Orlova. Finalement, le point fort de l’Ukraine, c’est sa position stratégique entre l’Union européenne et la Russie.
Un long chemin de réformes
Compte tenu des liens complexes qu’elle entretient avec le voisin russe, l'Ukraine a donc demandé l'aide internationale. Mais pour l'obtenir, elle devra engager les réformes structurelles, et notamment stabiliser sa monnaie nationale, la hryvnia. « Il faut un taux de change plus compétitif. Mais il faut veiller aussi à ce que cette dévaluation nécessaire de la monnaie ukrainienne ne se traduise par une inflation galopante. Et pour cela, il faut mettre en place une politique monétaire très restrictive », estime Thierry Apoteker, directeur général du groupe de recherche en économie internationale TAC.
Deuxièmement, les finances de l’Etat devront être rééquilibrées. Le déficit public ukrainien devrait être à 44,7% du PIB fin 2014, selon le FMI. La réduction de ce déficit sera inscrite à tout programme de soutien financier à l’Ukraine. « Un taux de change compétitif, associé à de l’investissement productif et une relative neutralité budgétaire, tout cela permet à une économie qui dispose, comme l’Ukraine, d’une base industrielle agricole diversifiée, de repartir et de retrouver à la fois de la croissance et du développement », constate le directeur du TAC.
La négociation possible de la dette
Ces transformations sont à la portée de l'Ukraine, mais aucun bailleur potentiel ne s'engagera sans le feu vert du Fonds monétaire international. C’est aujourd’hui la seule institution internationale qui dispose de l’expertise technique et humaine pour piloter un ajustement financier en Ukraine.
L'Union européenne propose à Kiev 11 milliards d'euros en dons et en prêts sur deux ans. Le G7 aussi se dit prêt à lui fournir un soutien financier, tout en soulignant le rôle central du FMI. Les Américains ont évoqué auparavant une aide bilatérale. Selon Thierry Apoteker, « toute cette aide internationale d’urgence ne suffira pas à assurer le bouclage financier extérieur de l’Ukraine en 2014. Cela suppose que, par ailleurs, la négociation est engagée avec les créanciers externes. »
La dette extérieure du pays s'élève à 140 milliards de dollars, dont près d’un quart est dû aux banques russes. Avec cela, l'Ukraine n'est qu'au début du long chemin de sa transformation.