Après la conférence sur la sécurité de Munich au début du mois, c’est à nouveau en Allemagne que l’opposition ukrainienne est venue plaider sa cause, cette fois auprès de la première puissance européenne. Arseni Iatseniouk et l’ancien boxeur Vitali Klitschko, très populaire en Allemagne - où il a remporté la plupart de ses victoires -, ont rencontré la chancelière Merkel et le ministre des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier, rapporte notre correspondant à Berlin, Pascal Thibaut.
Les deux responsables ukrainiens ont rendu hommage à l’Allemagne pour son soutien, plaidé pour une aide financière à l’Ukraine et des sanctions contre l’entourage du président Viktor Ianoukovitch. En un mot, prouver aux opposants du régime sur le terrain que l’Occident les soutient et s’en prendre, par exemple, à des virements suspects des milieux gouvernementaux ou les interdire de séjour en Europe.
« C’est également un moyen de pression contre les responsables ukrainiens qui n’ont pas respecté les droits de l’homme, estime Vitali Klitschko. Nous avons évoqué cette option lors de notre discussion. »
Si Angela Merkel souligne de façon claire son soutien à l’opposition en recevant ses responsables à Berlin, la chancelière ne s’avance pas sur l’hypothèse de sanctions. Dans un communiqué, Berlin a appelé l’Ukraine à avancer sur la formation d’un nouveau gouvernement et sur une réforme de la Constitution, assurant que l’Allemagne et l’Europe « feront tout pour contribuer à une issue positive de la crise ».
A Kiev, la situation reste fragile
La crise ukrainienne se trouve à un tournant, puisqu’à Kiev, les manifestants ont consenti ce lundi à quitter la mairie, en échange d'une loi d'amnistie en faveur des manifestants arrêtés et inculpés de troubles à l'ordre public. En quittant la mairie de Kiev, les militants confiaient qu’ils le faisaient « le cœur lourd », mais qu'ils le jugeaient nécessaire par solidarité avec leurs camarades emprisonnés. Le parti Udar de Vitali Klitschko, a été le dernier à donner son accord dans la matinée, rapporte notre correspondant à Kiev, Sébastien Gobert. Mais dans l'après-midi, c'est le parti nationaliste Svoboda qui a repris possession du bâtiment avant d'obtenir un engagement des autorités que l'amnistie soit bien appliquée.
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Les concessions ont été faites par les deux parties du conflit, mais elles ne règlent rien sur le fond. En effet, les négociations avec le pouvoir sont au point mort. Il n’y a aucun progrès notable sur la réforme constitutionnelle réduisant les pouvoirs présidentiels au profit du gouvernement et du Parlement. On ne sait toujours rien sur la nomination d’un nouveau Premier ministre.
Dans le même temps, il est difficile de prévoir les réactions des formations les plus radicales au sein de l’opposition. Il est clair qu’elles ont très mal vécu l’évacuation de la mairie de Kiev. Les 234 manifestants arrêtés ont été, certes, libérés, mais ils encourent toujours de lourdes peines. La situation reste donc fragile. Des deux côtés de la barricade, la méfiance demeure énorme. Méfiance avec laquelle a du composer le docteur Christian Schoenenberger, ambassadeur de Suisse en Ukraine, qui a supervisé la passation de pouvoir. « On ne voulait pas risquer qu'il y en ait un qui dise : ' bon moi je n'étais pas consulté, je n'étais pas d'accord', et une fois qu'on voit qu'il y a des problèmes ... dire ' écoutez c'est vous qui avez créé le problème et moi je m'en lave les mains' » explique le diplomate au micro de Sébastien Gobert. Christian Schoenenberger souligne que les autorités étaient aussi divisées, entre administration de la ville et procureur général.
L'opposition reste sur le qui-vive malgré l'amnistie
Les manifestants risquent de revenir si le pouvoir hésite à mettre ses engagements pleinement en œuvre. C’est en tout cas l’avis du politologue ukrainien, directeur de projets européens du think tank « Internews Ukraine », Volodymyr Yermolenko.
Pour lui, le problème des manifestants n’est pas réglé. Les accusations pesant sur eux ne sont pas abandonnées et ils risquent toujours un procès avec de lourdes peines. Les opposants ont un mépris très important pour toutes les déclarations émanant du pouvoir et ne croient pas vraiment que les promesses seront tenues. « Si on voit que les protestataires ne sont pas libérés, que c’était juste une déclaration, je crois que les bâtiments vont être repris ».
Les manifestants occupent toujours le Maïdan, la place centrale de Kiev entourée de barricades et où leur camp de toile est maintenu.