Avec notre correspondant à Kiev, Sébastien Gobert
Une nouvelle nuit blanche et glaciale, -10°, s'est achevée dans les rues de la capitale ukrainienne. Entre mouvements de troupes, échauffourées ciblées et lancers de cocktails molotov, des groupes d'agitateurs, que l'on dit commandités par le gouvernement, ont été aperçus à plusieurs endroits de la ville, et sont traqués par les défenseurs de l'EuroMaidan.
Au matin, les assaillants marquent une pause après les affrontements de la nuit, pour compter les blessés et reconstituer les tas de pavés. Hormis des centaines de blessés, un militant civique, Ihor Lutsenko, très actif à Kiev depuis des années, a disparu cette nuit, et on ignore encore où il est. Les personnes présentes sur la place de l'Indépendance pendant la nuit ont reçu des SMS de leurs opérateurs téléphoniques, indiquant qu'ils avaient été identifiés comme participants à une action de protestation.
Vitaly a 32 ans et il s'est improvisé gardien des nouvelles barricades érigées dimanche. Combien de temps la situation peut durer, il ne sait pas. Mais pour lui, le régime de Victor Ianoukovitch a franchi le Rubicon, et cela justifie de prendre des risques. « Ici, tout le monde prend un risque vous savez, explique Vitaly à RFI. Il y a ces nouvelles lois, qu'ils ont promulguées aujourd'hui, ce qui veut dire qu'elles sont en vigueur maintenant. Selon ces lois, on encourt tous une peine de 15 ans de prison ! »
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Ces lois, c'est un paquet de mesures liberticides passées en force par la majorité présidentielle le 16 janvier et qui peut être utilisé par le régime comme un arsenal répressif implacable. Ces lois promettent une vague de répression des protestations, à grand coup d'amendes, peines de prison et violences policière. Désormais, la rue est anxieuse, elle attend de voir l'effet concret de l'entrée en vigueur de ce que les protestataires appellent ici les « lois de la dictature ».
Aujourd'hui, les ONG, bénéficiant de financements internationaux, par exemple Amnesty International ou Reporters sans frontières, deviennent officiellement des agents de l'étranger, ce qui devrait compliquer leur travail. Les leaders de l'opposition politique continuent d'appeler au calme et à la négociation, mais les règles du jeu ont dramatiquement changé.
Comment les manifestants peuvent-ils croire dans ces conditions à la bonne volonté de l'exécutif d'arriver à une solution politique par la négociation ? D'ailleurs, faute de pouvoir s’entendre, le gouvernement et l’opposition n’ont pas créé la commission de médiation prévue. Aujourd'hui plus que jamais, l'avenir de l'EuroMaidan est dans la rue.