Kiev, l'épreuve de force tournerait-elle à la confrontation violente?

La crise se poursuit en Ukraine et cette nuit, les forces de l'ordre ont fait face à plusieurs milliers de manifestants. La traditionnelle marche du dimanche, qui s'est tenue pour la neuvième semaine consécutive, a dégénéré en de violents heurts avec la police. Plusieurs véhicules ont été incendiés et près de 100 personnes blessées, dont 70 policiers. Les échauffourées se sont même poursuivies ce lundi. Face à ces violences, la Maison Blanche a fortement réagi.

Avec notre correspondant à Kiev, Sébastien Gobert

Les déflagrations retentissent à travers les rues du centre-ville de Kiev. Manifestants et forces de l'ordre se sont fait face toute la nuit, sans passer à l'assaut. Les rumeurs de convois policiers remontant des régions vers la capitale vont bon train, mais pour l'instant les manifestants semblent bien installés derrière de nouvelles barricades, le pied sur des tas de pavés qu'ils ont arraché des trottoirs.

Si la motivation du régime et son nouvel arsenal juridique sont bien connus, la question de ce début de semaine porte sur la force et la gravité de la riposte gouvernementale. Le doute plane, de même sur la nouvelle stratégie du mouvement de l'EuroMaidan et ses perspectives. Oleksandr est un garde du camp sur la place de l'Indépendance. Pour lui, les échauffourées de dimanche marquent une étape, mais ne sont qu'un épiphénomène : « Je pense que les gens sont fatigués, fatigués de se battre depuis aussi longtemps, sans résultat. C'est une saute d'humeur, j'en suis persuadé. Juste ça ». Quoiqu'il en soit, la dynamique des protestations anti-gouvernementales a changé ce dimanche.

Les leaders de l'opposition dépassés

Depuis son début, le mouvement citoyen pro-européen prend de court les dirigeants des trois partis de l'opposition unie. Que ce soit le boxeur Vitali Klitschko, l'économiste Arseniy Iatseniouk ou le nationaliste Oleh Tyahnibok. Les trois frères ennemis étaient en train de se positionner, doucement mais sûrement pour l'élection présidentielle de 2015. Après le passage en force d'une série de lois liberticides par le régime le 16 janvier, les manifestants attendaient du triumvirat des décisions fermes et un plan d'action clair. Mais en l'absence d'annonces satisfaisantes, ils se sont fait huer par la foule, dont une partie a choisi la voie de la violence.

Après avoir tenté de ramener le calme hier, Vitali Klitschko a obtenu de Victor Ianoukovitch la promesse d'une création d'une commission de médiation. Pour les manifestants, ce n'est qu'une déclaration de plus, de la part d'un régime qui n'a plus aucune crédibilité à leurs yeux. Mais ils ne pardonnent pas que les leaders de l'opposition, eux, y croient encore.


■ Les heurts à Kiev, vus des Etats-Unis

Avec notre correspondant aux Etats-Unis, Jean-Louis Pourtet

Washington a blâmé le gouvernement de Viktor Ianoukovitch pour les violents affrontements de dimanche à Kiev, lui reprochant d’avoir ignoré les revendications légitimes des contestataires, et le menaçant de sanctions. Dans un communiqué, la porte-parole du conseil national de sécurité , Catlyn Hayden a exprimé l’inquiétude des Etats-Unis devant la violence qui a eu lieu hier dans les rues de Kiev et appelle toutes les parties à un dénouement immédiat de la situation.

Pour Washington, l’aggravation des tensions est la conséquence directe de l’échec du gouvernement à reconnaître les revendications légitimes de sa population. L’administration américaine demande au président Ianoukovitch d’abroger les lois punissant les manifestants, de retirer la police anti-émeute et d’entamer des négociations avec les contestataires. Faute de quoi, l’Ukraine pourrait se voir menacer de sanctions en réponse à l’usage de la violence.

Les Etats-Unis ne cachent pas que leur sympathie va aux protestataires. Divers membres du Congrès se sont rendus à Kiev, dont John McCain, pour témoigner de leur soutien, et une diplomate d’un rang élevé s’est faite photographier en train de leur distribuer des bonbons. Mais jusqu’où est prête à s’engager l’administration Obama qui a déjà tant de problèmes de politique étrangère sur les bras, l’Iran et la Syrie n’étant pas les moindres ? L’Ukraine n’est pas en tête de ses priorités.

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