Avec notre correspondant à Istanbul, Jérôme Bastion
La crise politico-financière de ces 15 derniers jours a eu pour effet de radicaliser le discours du Premier ministre, toujours plus remonté contre des adversaires toujours plus nombreux.
Au premier rang de ses ennemis déclarés, la confrérie Gülen, tour à tour désignée comme « main de l’étranger » et comme « groupe criminel infiltré dans les rouages de l’État ». Lors de son meeting à Manisa ce samedi 28 décembre, Recep Tayyip Erdogan n’a pas hésité à utiliser les termes de « terroristes », de « pirates » et de « cauchemar ».
Dans le collimateur du Premier ministre turc, figurent également tous ceux qui font selon lui cause commune avec l’ennemi güléniste. Ce sont en premier lieu les juges et procureurs, et même le Conseil d’État, qu’il accuse de « violer la Constitution ».
Autres cibles, les médias et les milieux d’affaires qui ourdissent contre lui et ses proches, le « complot haineux » qui a éclaboussé son gouvernement. Enfin, Recep Tayyip Erdogan n’a pas oublié de vilipender les cinq députés démissionnaires de son parti, des « traîtres » qu’il s’est félicité d’avoir « mis à la porte ». Applaudissements dans l’assistance.
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■ Vu d’Allemagne : Berlin hausse le ton
Avec notre correspondante à Berlin, Anne Maillet
Le ton reste diplomatique, mais il monte indéniablement. Dans une interview accordée à l’édition dominicale du quotidien Bild, le tout nouveau ministre des Affaires étrangères allemand, Frank-Walter Steinmaier, lance un appel à la Turquie : « Nous faisons confiance à la force de l’État turc pour faire la lumière sur les soupçons de corruption qui ont cours, sans distinction de personnes. » Avant d’ajouter : « Cette crise a valeur de test pour toute politique qui se revendique d’un État de droit. »
L’Allemagne, qui compte la plus grande communauté turque hors de Turquie, avec quelque trois millions de personnes, s’inquiète de la crise politique dans laquelle s’enfonce le pays. Les réactions se multiplient après les incidents violents qui ont émaillé les manifestations de vendredi et tous ne prennent pas autant de pincettes que le ministre des Affaires étrangères. Pour le président du parti écologiste allemand, Cem Özdemir, Erdogan a de toute évidence choisi la méthode Poutine, soit « un pouvoir autoritaire et les poches bien remplies pour son entourage immédiat », dénonce-t-il dans une interview qui sera publiée ce lundi dans le quotidien Tagesspiegel.