Russie: Mikhaïl Khodorkovski gracié et libéré

Moins de 24 heures après l’annonce surprise de la grâce de l’oligarque russe, Vladimir Poutine a signé, ce vendredi 20 décembre, le décret qui la rend effective. Mikhaïl Khodorkovski est emprisonné depuis dix ans, et les raisons de cette soudaine libération demeurent toujours floues. L'oligarque a été libéré ce même jour, a annoncé son porte-parole.

Avec notre correspondante à Moscou, Veronika Dorman

Il aura fallu les dernières questions, posée en clôture d’une conférence de presse de près de 4 heures, jeudi 19 décembre, pour que les médias russes et internationaux puissent se faire l’écho de la prochaine libération de l’ex-magnat russe du pétrole Mikhaïl Khodorkovski, très critique à l’égard du Kremlin. La réponse, hier, de Vladimir Poutine s'est traduite en fait, ce vendredi, par la signature d'un décret officialisant la grâce.

« Guidé par des principes humanitaires, je décrète que Mikhaïl Borissovitch Khodorkovski [...] doit être libéré de prison avant la fin de sa peine. Ce décret entre en vigueur immédiatement », a indiqué un bref communiqué du président russe publié par le Kremlin.

Dans la foulée, l’agence Interfax a annoncé la libération de l'oligarque. Libération confirmée ensuite par le porte-parole de ce dernier.

Jusque-là, les défenseurs de Khodorkovski n’avaient pas confirmé l’information de la libération de ce dernier. Ses avocats restaient dubitatifs face à cette annonce de Vladimir Poutine, et contestaient le fait que leur client aurait demandé pardon en adressant sa demande de grâce au président russe. Une chose à laquelle Mikhaïl Khodorkovski s'est toujours refusé car cela reviendrait à reconnaître sa culpabilité.

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Démonstration de force

Selon le quotidien russe Kommersant, l’ancien magnat russe aurait en fait rédigé sa demande de grâce présidentielle sous la pression des services secrets. Libérable en août prochain, Mikhaïl Khodorkovski était sous le coup d’un troisième procès (après ses condamnations de 2005 et 2010). Des agents des renseignements russes auraient alors rencontré l’oligarque pour l’amener à demander sa grâce.

Quoi qu’il en soit, cette libération est une démonstration de force pour le pouvoir : Poutine prouve une fois de plus que c’est vraiment lui qui décide. Il châtie et gracie à sa guise, quand il veut. On parle surtout d’une opération séduction à destination de l’opinion internationale à l’approche des Jeux olympiques de Sotchi.

L’image de la Russie en général et de Poutine en particulier n’est pas reluisante ces derniers temps. Bien sûr, il y a eu des succès diplomatiques comme en Syrie, mais qui n’ont pas fait oublier l’incarcération des « punkettes » des Pussy Riot, la détention des membres de Greenpeace ou encore des lois restrictives sur les adoptions ou portant atteinte aux droits des homosexuels. Depuis peu, le Kremlin est accusé, en plus, de faire pression sur l’Ukraine pour l’empêcher de se rapprocher de l’Union européenne.


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Les chanteuses de Pussy Riot, les activistes de Greenpeace, Mikhaïl Khodorkovski, autant de figures emblématiques amnistiées ou graciées par le président russe Vladimir Poutine. Pour Laurent Vinatier, chercheur associé à l’Institut Thomas More et auteur du livre La Russie de Poutine à Medvedev, ces gestes peuvent être analysés sous au moins trois angles différents, pas forcément contradictoires et peut-être même complémentaires.

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