L’Allemagne face à son nouveau gouvernement

Après presque trois mois d’âpres négociations et un référendum au sein du parti social-démocrate (SPD), ce dernier est entré au gouvernement de «grande coalition» avec les chrétiens-démocrates (CDU-CSU) de la chancelière Angela Merkel, qui doit être réélue par le Bundestag le mardi 17 décembre pour son troisième mandat de quatre ans. Certaines nominations ministérielles ont surpris, certaines autres beaucoup moins.

Dans son nouveau gouvernement de coalition avec les sociaux-démocrates, la chancelière conservatrice Angela Merkel conserve l’un des poids lourds du gouvernement précédent, Wolfgang Schäuble, 71 ans, au poste clé de ministre des Finances. Cette confirmation était non seulement attendue, mais elle est considérée comme une garantie de stabilité de la politique allemande au sein de la zone euro.

Selon Claire Demesmay, experte du Conseil allemand des relations internationales citée par l’AFP, le maintien du duo Merkel-Schäuble signifie que la gestion de la crise de l’euro continuera à se faire « d’abord à la chancellerie, et ensuite aux Finances ». Sur le plan interne, les chrétiens-démocrates conservent, avec le poste de chancelière et le ministère des Finances, les principaux leviers du pouvoir.

La nouvelle star

Dans ce contexte, Angela Merkel garde sa position dominante, mais confie le ministère de la Défense à une autre femme à la personnalité bien trempée, Ursula von der Leyen, considérée comme un successeur potentiel de la chancelière. Gynécologue de formation, mère de sept enfants, Ursula von der Leyen compte parmi les dirigeants les plus populaires du parti chrétien démocrate.

Populaire, mais aussi controversée, surtout pour l’aile la plus conservatrice de la CDU. Celle-ci n’a pas vraiment apprécié notamment ses déclarations sur les droits des femmes et sur des réformes au sein du parti. Connue pour son franc-parler, son style direct et simple, et pour sa volonté de pousser la formation conservatrice vers le centre, elle avait déjà exercé des fonctions gouvernementales, à la tête des ministères du Travail et de la Famille.

En prenant celui de la Défense, elle change clairement de registre. Il s’agit de l’un des ministères régaliens, et sa nomination ne peut que confirmer son statut d’une possible héritière politique d’Angela Merkel. Son atout supplémentaire : elle parle couramment le français et l’anglais, ce qui devrait faciliter ses contacts au niveau européen. Elle est née à Bruxelles et a vécu en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis.

Sigmar Gabriel en vainqueur un peu amer

Si l’arrivée d’Ursula Von der Leyen à la Défense a surpris les milieux politiques allemands, celle du président du parti social-démocrate, Sigmar Gabriel, aux postes de vice-chancelier et de ministre de l’Économie et de l’Énergie, était prévisible. Le titre de vice-chancelier est plutôt honorifique.

En revanche, son poste ministériel expose Sigmar Gabriel à de vrais risques. En l’acceptant, il choisit d’endosser la responsabilité de la transition énergétique, l’un des plus gros chantiers de l’Allemagne pour les années à venir. Et l’un des plus délicats à gérer.

Le leader des sociaux-démocrates prend donc un poste considéré comme difficile et risqué, mais, dans l’immédiat, il peut se consoler en lisant la presse allemande. En effet, plusieurs journaux le saluent comme « le vainqueur des négociations de coalition ».

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Certes, le ministère de l’Intérieur revient à Thomas de Maizière de la CDU, qui était à la Défense dans le gouvernement sortant, mais le SPD obtient un autre ministère régalien, celui des Affaires étrangères.

C’est Frank-Walter Steinmeier qui devient le chef de la diplomatie allemande, fonction qu’il exerçait pendant le premier mandat d’Angela Merkel (2005-2009), déjà dans une grande coalition.

De la symbolique gouvernementale

Il a déjà été annoncé que le nouveau ministre accompagnera la chancelière lors de sa visite, le mercredi 18 décembre, à Paris. Il renoue ainsi avec la tradition d’un premier déplacement en France pour un nouveau chef de la diplomatie allemande. Tradition délaissée par son prédécesseur libéral Guido Westerwelle, qui avait choisi la Pologne comme première destination.

Un autre succès du SPD, beaucoup plus symbolique celui-ci : la nomination d’Aydan Özoguz, 46 ans, au poste de secrétaire d’Etat en charge des Migrations, des Réfugiés et de l’Intégration. Il s’agit de la première personnalité politique d’origine turque à faire partie d’un gouvernement fédéral allemand.

Cette fille de commerçants turcs, naturalisée en 1989, a effectué en quelques années une rapide ascension politique. En 2011, sept ans seulement après son adhésion au SPD, elle a été nommée vice-présidente du parti. Son accession à un poste ministériel a été saluée comme l’une des surprises de la nouvelle équipe gouvernementale par la presse allemande et turque, qui lui a consacré plusieurs encarts.

Dommages collatéraux à la BCE

L’annonce de la composition du nouveau gouvernement allemand a causé des dommages collatéraux au niveau de la Banque centrale européenne (BCE). En effet, Jörg Asmussen, membre allemand du directoire de la BCE en charge de relations internationales, a annoncé dimanche qu’il quitterait ses fonctions à Francfort pour rejoindre la nouvelle équipe d’Angela Merkel en tant que secrétaire d’Etat au Travail, ce qui lui permettra de revenir sur Berlin où vit sa famille.

Cette décision prive le patron de la Banque, Mario Draghi, d’un allié précieux pour défendre sa politique en Allemagne. Certes, trois noms de ses successeurs possibles circulent déjà en Allemagne, et Wolfgang Schäuble s’est exprimé en faveur de la candidature de Sabine Lautenschläger, vice-présidente de la Bundesbank, mais le processus de nomination pourrait prendre plusieurs mois, laissant vacant un poste important pour l’institution monétaire.

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