A Kiev, sous la pression des manifestants, la police échoue à entrer dans l'hôtel de ville

Après presque trois semaines de manifestations, les forces de l'ordre ont donné l'assaut cette nuit à Kiev. Les policiers anti-émeute sont intervenus pour tenter de libérer l'accès à la place de l'Indépendance, haut lieu de la contestation. Idem à l'hôtel de ville, mais sans succès. Et ce, alors même que Catherine Ashton, cheffe de la diplomatie européenne, est sur place depuis le 10 décembre afin de tenter une médiation. De leur côté, les eurodéputés demandent la libération immédiate des prisonniers politiques après les répressions de fin novembre.

Avec notre envoyée spéciale à Kiev, Anastasia Becchio

Ce mercredi 11 décembre au matin, après une nuit agitée, la police ukrainienne a tenté de prendre d'assaut l'hôtel de ville de la capitale, occupé par les manifestants depuis lundi. Mais les forces de l'ordre ont dû renoncer, après avoir été aspergées par une lance incendie positionnée dans un bureau de la mairie. Il fait actuellement très froid à Kiev, environ -10°.

Une foule de manifestants s'est massée autour des locaux. Les véhicules de police ont d'ailleurs dû quitter les alentours de la mairie, entourés par de nombreux opposants.

La police anti-émeute s'était également déployée aux abords immédiats de la place de l’Indépendance, où un calme précaire s’est à nouveau instauré après la nuit. Les orateurs continuent de défiler à la tribune. Une foule de plusieurs milliers de personnes, qui grossit d'heure en heure, entonne l’hymne national ukrainien.

Victoria Nuland, la secrétaire d'Etat américaine adjointe, s'est rendue sur place dans la matinée, échangeant quelques mots avec les manifestants sans faire de déclaration officielle. Elle devrait s'entretenir avec le président ukrainien.

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Dans la nuit de mardi à mercredi, peu avant 2 heures du matin, des unités casquées de la police anti-émeute ont commencé, avec leurs boucliers, à repousser les manifestants réunis aux extrémités de la place de l'Indépendance derrière les barricades.

Une foule compacte de plusieurs centaines de personnes s'est massée pour tenter de résister à l’avancée des forces de l'ordre. Mais ces dernières ont réussi à passer les barricades, que des employés municipaux ont ensuite découpées à la scie électrique.

Le premier assaut des forces de l’ordre a duré plusieurs heures. Bien qu’impressionnant, il n’a pas été violent. La police fait quand même état d’une dizaine de blessés et de plusieurs arrestations, et des affrontements ont été signalés ce matin aux abords de la mairie au moment de la seconde offensive.

Désormais, des dizaines de personnes tentent de reconstruire des barricades. Des manifestants cassent la glace, tandis que d'autres apportent planches, pneus et autres grilles métalliques sur la place. Des jeunes femmes distribuent même le thé. En somme, la résistance se réorganise, encore et toujours.

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Concernant la place de l'Indépendance, les forces de l’ordre affirment qu’elles ont agi pour dégager les grands axes et permettre aux services communaux de travailler, et notamment de nettoyer la neige. Ce mercredi, dans un appel au calme, le ministre de l'Intérieur Vitali Zakharchenko a déclaré : « Il n'y aura pas d'assaut contre la place. Personne ne violera votre droit à manifester pacifiquement, mais prenez en compte les droits (...) des autres citoyens. »

Mais l’opposition y voit une nouvelle tentative d’intimidation contre des manifestants pacifiques. Elle prédit des millions de manifestants ce mercredi 11 décembre dans le centre de Kiev.

■ Réactions

Mardi, Catherine Ashton a rencontré, pendant trois heures, le président Viktor Ianoukovitch, puis est venue ensuite sur la place de l'Indépendance. Ce mercredi, dans un communiqué, la chef de la diplomatie européenne dit observer « avec tristesse » que la police fait usage de la force « pour déloger des gens pacifiques ». De son côté la délégation de l'UE en Ukraine indique qu'elle tente de contacter les autorités « afin d'empêcher l'usage de la violence contre des citoyens ordinaires ».

Le chef de la diplomatie américaine John Kerry fait part, lui aussi par communiqué, du « dégoût » des Etats-Unis « face à la décision des autorités ukrainiennes de répondre à la manifestation pacifique de la place de l'Indépendance avec des forces antiémeutes, des bulldozers et des matraques plutôt que dans le respect des droits démocratiques et de la dignité humaine. »

■ Ukraine : les députés européens réagissent

Avec notre correspondante à Strasbourg, Joana Hostein

Les eurodéputés demandent la libération immédiate des prisonniers politiques après les répressions policières du 30 novembre dernier. C’est le cas de la parlementaire française Marielle de Sarnez du groupe des libéraux (Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe), qui s’est rendue à Kiev ce week-end pour soutenir les manifestations pro-européennes :

« J’ai très peur que tout cela bascule vers une radicalisation, que le pouvoir porte atteinte aux libertés encore plus qu’il ne le fait. On doit être très vigilants sur la situation en particulier des victimes du 30 novembre qui sont aujourd’hui dans des hôpitaux, dans des prisons que leur famille ne peut pas aller voir, qui étaient jusque-là au fond pacifiquement ».

Selon la co-présidente du groupe Europe Ecologie-Les Verts (EELV) qui multiplie les déplacements en Ukraine, il faut tendre la main au peuple ukrainien en facilitant le régime de visas. Pour Rebecca Harms, « permettre aux Ukrainiens de pouvoir voyager en direction de l'Union européenne, c’est le minimum parce qu’on a promis cela depuis dix ans. Quand on voit à quel point les gens font la fête pour l’Europe, c’est une honte qu’on ne puisse pas mieux faciliter les visas pour ces citoyens de l’Ukraine ».

Plusieurs autres eurodéputés écologistes appellent à une révision des relations avec la Russie et proposent par exemple de boycotter les Jeux olympiques d’hiver de Sotchi en 2014.

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