Ukraine: les opposants attendent le retour du président de pied ferme

Tandis que le président ukrainien Viktor Ianoukovitch est attendu à Kiev, où il doit rentrer ce vendredi d’un voyage en Chine, la mobilisation se poursuit sur la principale place de Kiev, aux mains de l'opposition. Des milliers d'Ukrainiens pro-européens, qui réclament la démission du gouvernement et du président, après l'évacuation violente de manifestants, il y a une semaine, se réunissent sur la place de l'Indépendance. Une place fermée par des barricades où toute une infrastructure a été créée.

Avec notre envoyée spéciale à Kiev, Anastasia Becchio

Entre deux tentes et une camionnette, on s’active à couper pommes de terres, oignons et betteraves par dizaines. Ils constituent les principaux ingrédients de la soupe qui a nourri plus de 300 personnes, jeudi soir, sur la place de l'Indépendance, à Kiev.

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Vassili jette du lard dans deux gros chaudrons qui fument au dessus d’un feu de camp. Jusqu’à il y a une semaine, il était responsable d’un magasin de vêtements. Mais depuis le début de la semaine, il s’est improvisé cuisinier. « Dans cette soupe, on met un sourire, de la bonne humeur, du lard, de l'ail, de la betterave, du chou, des oignons. C'est antigrippe », s’amuse-t-il.

Derrière les chaudrons, des étagères en bois accueillent les denrées. Nikola avale une soupe avant de repartir vers l’infirmerie, installée dans une grande tente couleur kaki. Ce médecin de Ternopol, une ville de l’ouest du pays, campe sur la place de l’Indépendance depuis quatre jours.

« Je suis venu, parce que le pouvoir a levé la main sur mon peuple. Je ne pouvais pas rester à l'écart. Je ne pouvais plus regarder ma femme en face, je ne pouvais plus enlacer mes enfants tout en leur racontant qu'au moment où l'on battait mes frères et mes sœurs, j'étais chez moi en train de travailler tranquillement. C'est pourquoi je suis ici », argumente Nikola. La semaine prochaine, il a prévu d’aller retrouver ses patients à Ternopol. Mais d'ici là, il continuera d’assurer la permanence à l’infirmerie de la place de l’Indépendance.


■ Lviv, la capitale rebelle de l'ouest du pays

Sur l'échiquier des diversités régionales très prononcées en Ukraine, la ville de Lviv, capitale de l'ouest, est un cas à part. De par son positionnement historique et géographique, la métropole s'affirme à la fois comme un centre du renouveau national ukrainien et comme détachée du reste du pays, sous la coupe plus prononcée du régime autoritaire du Président Victor Ianoukovitch.

Avec notre envoyé spécial à Lviv, Sébastien Gobet

Le maire, Andriy Sadovyi, en poste depuis 2006, illustre cette particularité. Personnalité indépendante et entreprenante, il s'est ouvertement rangé aux côtés des manifestants du mouvement de l'Euro Maidan, en mettant en garde le pouvoir central, dès le 30 novembre, d'un usage excessif de la force dans sa ville.

Dans son bureau de Lviv, Andriy Sadovyi distribue au visiteur des pins portant le slogan de sa ville : « Lviv - Ouverte sur le Monde. » Un symbole fort, alors que le deuxième plus important Euro Maidan d'Ukraine est érigé à quelques centaines de mètres.

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« C’est un Euro Maidan sincère et enthousiaste, initié par de jeunes étudiants », affirme le maire de Lvivi. « Ils sont nés pour la plupart dans une Ukraine indépendante. Ils sont ouverts. Ils ne sont pas contaminés par les traumatismes du communisme », insiste-t-il.

« D’ailleurs, l’Euro Maidan est spécial à Lviv, aussi parce que les étudiants ont refusé d’être récupéré par les politiques. Pour moi, c’est un grand honneur de les soutenir. Vous savez que les mouvements de résistance ont toujours été très puissants dans l’ouest de l’Ukraine, et je ne conseillerai à personne de venir faire du mal aux gens d’ici », prévient-il.

« Un changement de gouvernement »

Andriy Sadovyi s'affiche comme personnalité politique lvivienne indépendante, sans ambition nationale. A ce titre, il se sent détaché du pouvoir central à Kiev et peut se permettre de donner son avis.

« Nous voyons que l'Ukraine traverse une grave crise politique », note-t-il. « Dans un pays civilisé, cela conduit à des élections, à un changement de gouvernement. Nous devons apprendre à être plus civilisé », enjoint-il. Se disant « optimiste » et « convaincu que le pouvoir écoute le peuple », il juge cependant qu’« il les écoute avec un décalage ».

Quoiqu'il se passe à Kiev, quoiqu'il se passe pour le mouvement de l'Euro Maidan, Lviv et son maire Andriy Sadovyi refusent les allégations de séparatisme. Mais ils cultivent clairement leurs différences.

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