Ukraine: le pouvoir tente de désamorcer la crise

A Kiev, les manifestants occupent toujours la place de l'Indépendance pour dénoncer la politique anti-européenne du gouvernement. La crise ukrainienne a été évoquée ce mercredi à Bruxelles lors d'une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Otan. L’Europe se veut prudente : dans la matinée, le Premier ministre a mis en garde l'opposition.

Avec notre envoyée spéciale à Kiev, Anastasia Becchio

L'opposition au président Ianoukovitch avait mardi encore un espoir de faire bouger les choses au Parlement. Ce mercredi, il ne lui reste plus qu’à compter sur l’énergie et l’enthousiasme de la rue. Avec le rejet de la motion de défiance contre le gouvernement, elle a épuisé ses recours institutionnels, la loi ukrainienne ne prévoyant qu’un seul dépôt de ce type de motion sur une période de douze mois.

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Le texte présenté mardi n’a récolté que 186 voix. Or, il en aurait fallu 40 de plus pour avoir une chance de faire tomber le gouvernement. C’est en tout cas un résultat bien moindre qu’espéré par l’opposition, qui comptait beaucoup sur les défections au sein du parti de Viktor Ianoukovitch, le Parti des régions. La séance de mardi au Parlement a montré qu’il n’en était rien : seul un député du parti majoritaire a voté pour, et les communistes, qui pourtant ne ménagent pas leurs critiques envers le cabinet Azarov, n’ont pas non plus soutenu la motion.

On peut s’interroger sur les pressions et les menaces dont ont pu faire l’objet les parlementaires indécis, en particulier ceux issus du monde des affaires. C’est ce que soulignent plusieurs observateurs à Kiev. Le Parti des régions tente en tout cas de consolider ses rangs.

Le premier choc passé, le président Ianoukovitch, en voyage en Chine, n’a pas encore mobilisé ses partisans des régions de l’est et du sud russophone. Les conseils des régions acquises au pouvoir commencent d’ailleurs à voter des résolutions pour demander le retour de l’ordre à Kiev.

Le gouvernement lance un avertissement à l'opposition

Ce mercredi, l'opposition a reçu le soutien de trois anciens présidents ukrainiens. Léonid Kravtchouk, Léonid Koutchma et Viktor Iouchtchenko ont publié une lettre ouverte dans laquelle ils disent leur solidarité avec des centaines de milliers de jeunes Ukrainiens, et dans laquelle ils préviennent contre la crise politique profonde et les conséquences graves qu'elle pourrait avoir pour l'indépendance du pays.

De son côté, le pouvoir ukrainien lance un avertissement à l'opposition et met en garde contre l'escalade des tensions à Kiev. Le Premier ministre menace désormais les manifestants de poursuites. Plusieurs manifestants ont d'ailleurs été arrêtés et l'université est sommés de dénoncer les étudiants qui ont participé aux grandes manifestations du week-end.

L’Europe adopte une attitude prudente

La contestation est née du refus de Kiev de signer un accord d'association avec l'UE. L'Ukraine est tiraillée entre l'Union européenne et Moscou. La crise ukrainienne a été évoquée à Bruxelles lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères des 28 pays membres de l'Otan. A l'issue de leur rencontre, ils ont adopté une réaction plutôt modérée. Et puis l'Union européenne laisse la porte grande ouverte.

L'Otan a exhorté le gouvernement ukrainien et l'opposition à engager le dialogue et à lancer un processus de réforme appelant toutes les parties à s'abstenir de toute provocation, tout en condamnant « l'usage excessif de la force contre des manifestants pacifiques ».

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Prudence aussi sur la poursuite du processus d'intégration suspendu il y a une semaine à la veille de la signature d'un accord d'association longuement négocié par le gouvernement ukrainien :

« Nous sommes prêts à signer l'accord d'association dans les conditions qui ont été définies, mais à partir des discussions que nous avons eues. Nous ne voulons pas rouvrir les négociations sous quelque forme que ce soit », affirme Maja Kocijancic, porte-parole de Catherine Ashton, la chef de la diplomatie européenne.

« Les portes de l'Union européenne restent ouvertes pour l'Ukraine », précise néanmoins ce mercredi le chef de la diplomatie allemande, Guido Westerwelle, en déplacement à Kiev auprès des dirigeants de l'opposition pro-européenne. Condamner la violence et laisser les portes ouvertes, voilà donc la position des Européens.

Lors d’une brève escale en Moldavie, ce mercredi, le secrétaire d'Etat américain John Kerry a déclaré que les Ukrainiens devraient avoir « la possibilité de choisir (leur) avenir ».


 ■ ANALYSE

La situation est pour le moment bloquée, explique le politologue ukrainien Vladimir Fessenko.

 

 

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